la pensée chrétienne et la grâce des contours antiques. Au-dessous sont les femmes en prière, les orantes aux bras élevés et supplians. Comme leur Dieu rappelle Apollon, elles rappellent les Muses, dont elles ont le charme virginal et la calme beauté. Cette pénétration réciproque de deux arts, — dont l’un se mourait et n’avait plus que le corps, dont l’autre n’avait guère encore que la vitalité de l’âme, — se produisit jusqu’au IVe siècle. Ni les artistes ni les croyans ne s’avisaient alors de redouter la beauté, drapée ou sans voile, quand elle n’était que le signe supérieur de l’idée religieuse. Dans la catacombe de saint Pierre et saint Marcellin, Adam et Ève sont nus comme des dieux grecs. On voit des tombes où de pieuses mains ont sculpté le groupe de Psyché et d’Éros, sans crainte de profaner la sainteté des pierres funèbres. Pourquoi en effet aurait-on rougi d’emprunter au paganisme le profond et ravissant symbole de l’âme rachetée par l’amour ? Ce mythe était comme le lien naturel des deux croyances ; chacune y apportait ce qui faisait défaut à l’autre ; l’une la pure splendeur de la beauté physique, la seconde un spiritualisme ardent. Ce lien, jamais le moyen âge ne voulut tout à fait le rompre.
Pendant les siècles qui suivirent immédiatement le triomphe définitif du christianisme, le penchant qui attirait les deux arts l’un vers l’autre fut maintes fois combattu ; mais à côté des ennemis acharnés des souvenirs païens il y eut constamment quelques zélés défenseurs des beautés antiques. Aux plus mauvais jours, au milieu du fracas des villes qui tombent et des temples qui s’écroulent, la voix lointaine des muses grecques est encore entendue. Ainsi, au sortir des catacombes, le culte nouveau, loin de supprimer les fêtes antiques, les tourne à son usage. Par exemple, on avait retardé la fête de la Visitation afin que les paysans d’Enna, en Sicile, pussent apporter à l’autel du Christ les épis mûrs dont ils avaient couronné jusque-là les statues de Cérès. Grâce à une transition habilement ménagée, les ambarvales s’étaient changées en cette pompe rustique nommée la procession des rogations. Les murs des vieilles basiliques conquises et consacrées par la foi chrétienne se couvraient de mosaïques où brille çà et là un rayon d’élégance et de noblesse. Parfois sévère jusqu’à la dureté envers les représentations qui trahissaient la plus légère palpitation de la chair, l’église avait des retours de justice et des heures de protection pour les restes d’un passé qu’elle n’était pas tenue de défendre. C’est elle qui au VIIIe siècle condamna les iconoclastes, ces briseurs d’images dont la fureur dévastatrice s’était déchaînée pendant plus de cent ans. Et quand le sacerdoce oublia ou rejeta les souvenirs déjà fort effacés de l’art païen, les moines