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grand âge, et pour lequel le saint-père avait beaucoup de respect. Il est convaincu que ce cardinal, qui termina par son influence l’affaire du concordat, pourrait être très utile et se rendrait avec plaisir auprès de sa sainteté. Alors le pape pourrait les consulter l’un et l’autre et s’occuper d’affaires ; mais il n’usera pas du cardinal Caselli, ni de lui, Spina, qu’il regarde comme trop jeune parmi les cardinaux[1]. Dans le cours de sa conversation avec le cardinal Spina, le pape s’était prononcé contre l’idée d’aller à Avignon et surtout à Paris. Il avait formellement dit que, si on le contraignait à s’y rendre, il ne sortirait pas, qu’il ne dirait la messe dans aucune église, qu’il se considérerait comme étant prisonnier, et beaucoup plus resserré qu’à Savone. Il ajouta que, si on ne voulait pas le renvoyer à Rome, il ne désirait pas de changement[2]. Si on voulait traiter d’affaires avec lui, son intention était d’avoir deux cardinaux parfaitement de son choix, et que sa majesté envoyât également deux personnes de confiance, et qu’alors on entamât des négociations par des écrits auxquels il répondrait[3].

Dans la conférence avec les deux cardinaux, Pie VII fut encore plus explicite. Ses interlocuteurs ayant débuté par lui parler d’un changement de résidence, il manifesta à cet égard une invincible répugnance. « Il déclara qu’il ne voulait quitter Savone que pour se rendre à Rome. Si on devait le conduire à Paris, il en serait très affligé. Cependant.il saurait toujours empêcher qu’il n’arrivât rien de fâcheux parmi le peuple à son sujet, car il. ne voulait compromettre personne ni altérer la soumission due au gouvernement. Il n’y aurait que le cas où l’on voudrait le contraindre à faire une cérémonie publique. Peut-être alors ne pourrait-il pas répondre assez de son émotion et de sa tête pour éviter un grand scandale[4] » Les cardinaux, en sortant de leur audience, avaient assuré à M. de Chabrol qu’ils avaient trouvé le pape bien disposé relativement à la nomination des évêques. « Ils croient, écrivait le préfet de Montenotte au ministre des cultes, que cette affaire pourrait réussir ; mais ce qui avait arrêté sa sainteté, c’est la crainte et la défiance qu’il a de lui-même. Il ne veut pas agir sans consulter des personnes expérimentées et sur lesquelles il pourrait se reposer avec sécurité. Le cardinal Spina croit toujours que la présence du cardinal Antonelli serait très utile pour cet objet… Le pape a conservé dans la journée son maintien habituel, continue le préfet de Montenotte ; il a paru n’avoir éprouvé aucune émotion des ouvertures qu’ont pu lui faire les cardinaux… » Le départ de leurs

  1. Lettre de M. le baron de Chabrol à M. le comte Bigot de Préameneu.
  2. Ibid., 9 juillet 1810.
  3. Ibid., 10 juillet 1810.
  4. Ibid., 11 juillet 1810.