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Pie VII : c’était « la suppression du pouvoir temporel du saint-siège, la réunion de Rome au territoire de l’empire, l’établissement d’une papauté dépendante du nouvel empereur d’Occident faisant sa résidence à Paris ou à Avignon, jouissant de beaux palais, d’une dotation de 2 millions de francs et de beaucoup d’autres avantages encore, mais placée sous l’autorité de l’empereur des Français, comme l’église russe sous l’autorité des tsars, et l’islamisme sous l’autorité des sultans[1] »


II

Ces desseins une fois arrangés et mûris dans la tête de Napoléon, il lui restait à connaître quelles chances il aurait de les faire accepter à Savone, car si dans son infatuation toujours croissante il les considérait comme autant d’arrêts du destin peut-être le saint-père les envisagerait-il sous un tout autre aspect. Comment s’en informer ? Cela était assez embarrassant. Il fallait trouver un biais, qui fut bientôt offert par M. de Metternich. Appelé après le traité de Vienne au poste de chancelier d’état et de président du conseil, le comte, depuis prince de Metternich, avait eu le premier l’idée de marier l’archiduchesse Marie-Louise avec Napoléon. Dans la ferveur de son zèle, il s’était empressé de conduire lui-même cette princesse à la cour des Tuileries, où il faisait alors parade des, sentimens les plus français et d’une admiration enthousiaste pour le génie du glorieux gendre de son souverain. Avec une ouverture que rendaient toute naturelle les intimes relations existant entre les deux cours, M. de Metternich avait demandé à l’empereur l’autorisation d’envoyer un agent autrichien à Savone, afin de régler avec le pape quelques affaires qui regardaient le diocèse de Vienne et quelques autres parties des états héréditaires. Napoléon était d’autant moins porté à repousser la requête du complaisant ministre ide l’empereur François qu’il avait à demi-mot compris que l’envoyé de M. de Metternich ferait du même coup les affaires de la France aussi volontiers que celles de sa propre cour. Les dépêches de M. le chevalier de Lebzeltem, prévenu sans doute à l’avance par son chef, ne manquèrent pas en effet d’être aussitôt communiquées à notre ministre des relations extérieures, M. de Champagny. M. de Lebzeltern, on s’en souvient peut-être, avait été ministre d’Autriche à la cour de Rome. C’était une ancienne connaissance du pape, et déjà nous avons eu l’occasion de citer quelques passages de sa correspondance de 1808 dans lesquels, sans prendre parti entre Napoléon et Pie VII au sujet de l’occupation des Marches

  1. Histoire du Consulat et de l’Empire, t. XIII, p. 35.