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cultes parvint à Rome, le pape n’y était plus. Enlevé du Quirinal dans la nuit du 10 juin, il avait déjà été dirige vers la France. Par suite de nouvelles instructions datées de Schœnbrunn, M. Bigot était invité à presser plus que jamais l’expédition des bulles nécessaires à l’installation régulière des évêques nommés de France ; mais à Schœnbrunn l’empereur, s’il connaissait l’excommunication lancée contre lui par le pape, pièce que dans sa lettre il traitait sans façon de ridicule, ignorait complètement l’arrestation de Pie VII à son arrivée en France. M. Bigot seul en était alors tout récemment instruit. — Que faire ? Où et à qui s’adresser afin de donner officiellement connaissance des propositions nouvelles de son maître ? Fallait-il entrer en communication personnelle et directe avec le saint-père, retenu maintenant prisonnier dans une ville de France, ou bien fallait-il, comme par le passé, écrire à Rome., où résidaient encore les congrégations chargées de l’expédition ides affaires religieuses de l’église romaine ? A coup sûr le cas était assez embarrassant. M. Bigot, toujours porté à la conciliation, était d’autant plus pressé de se conformer aux instructions arrivées de Schœnbrunn qu’elles étaient empreintes d’une modération à laquelle il ne s’attendait peut-être pas, et qu’elles ouvraient la porte à une transaction qu’il souhaitait plus vivement que personne. L’empereur consentait en effet à ce qu’il ne fût pas question de lui dans les bulles d’institution. « La demande d’institution, disait-il à M. Bigot, ne sera pas signée de moi, mais sera faite par une lettre du ministre des cultes à la chancellerie du pape, qui dira que sa majesté ayant nommé un tel à tel évêché, la chancellerie est priée d’envoyer l’institution canonique. Par cette cessation de correspondance entre moi et le pape, il ne sera pas question de moi dans ces pièces. Il ne faut pas cependant que le pape dise qu’il nomme de son propre mouvement, mais qu’il institue sans raisons ou allégations inutiles[1]. »

Sans nul doute une pareille transaction eût été sans trop de difficulté acceptée par le saint-père, si elle lui avait été offerte alors qu’entouré du sacré-collège il habitait encore son palais du Quirinal. C’était un heureux compromis qui, sans mettre en question les droits réciproques des deux parties, parait suffisamment aux embarras de la situation. Afin de lui ménager un meilleur accueil de la part du saint-père, l’empereur avait eu l’adroite l’idée de le lui faire présenter par l’intermédiaire des plus hauts dignitaires de l’église française. « Les cardinaux Fesch, Caprara comme évêque de Milan, Caselli comme archevêque de Parme, Maury comme évêque de Montefiascone, l’archevêque de Tours et d’autres évêques de

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, Schœnbrunn, 15 juillet 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XIX, p. 246.