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L'ALLEMAGNE
DEPUIS LA GUERRE DE 1866

VII.
LES NATIONALITES EN HONGRIE ET LES SLAVES DU NORD DU SUD (YOUGO-SLAVES)[1].

Ce n’est pas, je l’avoue, sans une vive émotion que j’aborde la question des nationalités. Je suis convaincu qu’elle favorisera en définitive le progrès de la civilisation ; elle me remplit néanmoins d’inquiétudes et parfois d’angoisses. Vous qui me lisez, moi qui écris ces lignes, nous tous habitans du continent européen, d’un moment à l’autre elle peut nous saisir, nous entraîner dans quelque formidable bouleversement et changer profondément notre destinée. Elle vient à peine de naître, de prendre un nom, et déjà elle a renversé vingt trônes et dérangé tout l’ancien équilibre. Elle enflamme le cœur de nos contemporains d’une passion aussi ardente que les idées religieuses l’ont fait au XVIe siècle, et, comme celles-ci, elle changera la face du monde. C’est elle qui a affranchi la Grèce et constitué l’Italie, qui prépare l’unité de l’Allemagne, agite les populations de l’Autriche et de la Turquie, et qui, sous la forme du pangermanisme et du panslavisme, effraie l’imagination. Elle se rit des traités, met à néant les droits historiques, jette le désarroi dans la diplomatie, ébranle toutes les situations, alarme

  1. Voyez la Revue du 1er avril et du 1er juin 1868.