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tude ? M. Baroche ne l’a pas dit, il ne pouvait pas le dire, et c’est ce qui peut devenir curieux ; c’est ici qu’on peut voir les conséquences de nos expéditions de Rome et de toutes ces occupations indéfinies. Nos soldats vont donc monter la garde autour de ce concile occupé à reléguer parmi les utopies funestes les idées de souveraineté nationale et d’indépendance civile dont la France est la plus complète expression. On n’y prend pas garde, sous prétexte de protection généreuse, nous allons simplement remplacer l’Autriche en Italie, et même nous faisons mieux qu’elle. Pendant que l’Autriche se fait libérale, nous voilà réduits par la fatalité de la plus singulière des politiques à préserver soigneusement de toute atteinte le dernier coin de terre italienne où puisse être fulminée la condamnation du monde moderne. Nous ne savons si le rôle est généreux, et s’il suffira pour assurer aux candidats officiels l’appui du clergé dans les élections ; il est au moins étrange, il peut réserver au gouvernement français des surprises imprévues. Ces contradictions ne sont-elles pas une des causes intimes du malaise qui énerve depuis quelque temps la société française ? Ce pape, avec son audace ingénue, nous joue un mauvais tour en nous offrant cet honneur d’être les sentinelles de son concile, et en réalité il ne fait que rendre plus sensibles ces contradictions d’une politique aujourd’hui vraiment aussi embarrassée pour quitter Rome que pour y rester.

Si la politique française a des embarras à Rome et ailleurs, si elle a laissé s’accomplir des événemens qui sont devenus une cause d’anxiété patriotique, est-ce uniquement la faute de ce principe des nationalités que M. le prince de Broglie analyse avec une si ferme pénétration dans ses études récentes sur la Diplomatie et le droit nouveau, que M. Prevost-Paradol à son tour trouve devant lui dans son livre d’hier sur la France nouvelle ? Il est vrai, ce principe peut donner lieu à d’étranges excès, surtout quand il est livré aux interprétations de la force ambitieuse et conquérante, et ces excès sont bien faits pour enflammer chez un esprit élevé comme M, Albert de Broglie le sentiment de l’équité et du droit. Il n’est pas de mot qui ait été plus torturé, plus dénaturé, plus faussé dans ses applications, parce qu’en définitive le principe des nationalités, comme tous les principes, ne peut avoir rien d’absolu, parce qu’il est limité par une multitude d’autres considérations qui ont leur poids dans les affaires humaines. Mais enfin ce principe, sainement compris, répond à un idéal de vérité et de justice, il est inséparable de la révolution française, et en s’effrayant un peu, comme bien d’autres esprits, des conséquences abusives qu’on en peut tirer, M. Albert de Broglie a l’intelligence assez libérale pour lui faire sa place dans le travail contemporain des peuples.

faut vivre avec son temps pour le mieux diriger. Il reste malgré tout inscrit, ce principe des nationalités, sur le drapeau de cette France nouvelle dont M. Prévost-Paradol trace le portrait, et à laquelle il propose