Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la côte et presque au pied des montagnes, où des sources abondantes avaient été découvertes. On ne voyait d’autres habitans que des Shohos, hommes à peau noire et à cheveux crépus, campés autour des puits, bonnes gens du reste, assez disposés à travailler lorsqu’on les payait, mais plus enclins encore à dérober ce qui leur tombait sous la main.

A la fin d’octobre, deux nouveaux régimens débarquaient à Zullah, l’un d’infanterie hindoue et l’autre de cavalerie. Des convois de mules arrivaient en même temps; mais alors de grosses difficultés se présentèrent. Ces animaux étaient fort mal harnachés, ou plutôt, à dire vrai, ils n’étaient pas harnachés du tout. Il n’y avait ni bâts pour les charger, ni chaînes pour les tenir à l’attache. Quant aux muletiers qui les conduisaient, c’était un ramassis des plus vils coquins de l’Inde et de l’Egypte, chacun parlant sa langue, que personne ne comprenait. D’ailleurs l’eau était toujours en quantité insuffisante. Mal traitées et mal nourries, les mules se sauvèrent dans la campagne et périrent par centaines. Pour comble de malheur, les bêtes malades infestèrent les chevaux de la cavalerie, que l’on dut envoyer au plus vite au pied des montagnes. Pour peu que l’on connaisse l’admirable organisation des équipages militaires dans l’armée française et que l’on sache combien nos troupes de transport se tirent aisément d’affaire dans les contrées les plus difficiles, on s’étonne que les Anglais, qui entreprennent si souvent des expéditions en pays inconnu, n’aient rien d’analogue. Dans l’Inde, ils ont des éléphans, il est vrai, mais ces lourds animaux ne sont à leur place que sur leur terre natale, tandis que la mule, animal sobre et rustique, supporte les climats les plus divers.

Tandis que les divers préparatifs d’installation se poursuivaient au bord de la mer, le colonel Merewether explorait les environs. Il s’agissait tout d’abord de savoir par quelle passe l’armée s’introduirait dans la montagne. Le bruit de l’arrivée des Anglais s’était répandu en Abyssinie. Sir Robert Napier avait lancé une proclamation au peuple éthiopien pour lui déclarer que l’invasion n’avait d’autre but que de délivrer les captifs et promettre amitié à tous les habitans paisibles. Il était temps d’occuper une position moins rapprochée du littoral, autant pour entrer en rapport avec les Abyssins que pour soustraire les troupes au climat délétère du bas pays. En partant de Koumaïli, on a devant soi un sentier tracé dans le lit d’un torrent desséché; puis, en suivant une étroite vallée dont les flancs sont perpendiculaires, on arrive par un chemin encombré de rocs erratiques à une petite plaine où la végétation des zones tempérées apparaît déjà; l’eau devient moins rare, le so-