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manes, exaltaient la gloire naissante et les talens du négus Théodore; de l’autre les hommes de bureau, qui connaissent peu les progrès des découvertes géographiques, et ne s’occupent des contrées d’outre-mer qu’autant qu’ils y sont conduits par une longue tradition ou par des intérêts immédiats. Ce n’est pas avec cette négligence que les gouverneurs-généraux de l’Inde anglaise, qui ont une grande expérience des relations diplomatiques avec les rois barbares, traitent ces sortes d’affaires. Par malheur l’Abyssinie était en dehors du cercle d’action du vice-roi de l’Inde, et à Londres on ne savait pas s’y prendre.


II.

Les premières violences exercées par Théodore contre le consul Cameron datent du mois de juillet 1863. On en était informé en Europe vers la fin de la même année. Le gouvernement anglais était assez embarrassé de cette affaire. Au parlement, on s’en occupait souvent; mais les ministres répondaient en toute occasion qu’il serait imprudent pour les captifs eux-mêmes d’en parler trop haut, si bien que les faits étaient peu connus, les discussions n’aboutissaient à rien. Enfin il fut décidé que l’on enverrait à l’empereur d’Abyssinie une ambassade avec des présens et une lettre autographe de la reine, dans l’espoir qu’il se laisserait fléchir. Cette fois encore, Théodore, que nous avons dit être si jaloux de ses prérogatives souveraines, n’était pas traité en prince régnant. Le chef ou, pour mieux dire, le seul membre de cette ambassade était M. Hormuzd Rassam. Né à Mossoul de parens chrétiens, élevé en Angleterre, M. Rassam avait aidé M. Layard dans ses recherches archéologiques en Assyrie, et avait été plus tard attaché à la résidence politique d’Aden. En cette dernière qualité, il avait rempli non sans succès quelques missions délicates en Arabie, et avait représenté l’Angleterre pendant quelque temps près de l’iman de Mascate. Pourtant il n’avait après tout qu’un rang très secondaire dans la hiérarchie diplomatique. Il était accompagné par un médecin, le Dr Blanc. Peu après, pour donner plus de corps à la mission, on lui adjoignit un officier, le lieutenant Prideaux. Cette ambassade avait été organisée et devait être secondée dans le voyage qu’elle allait accomplir par le colonel Merewether, résident politique d’Aden, homme de grand mérite à qui on verra jouer un rôle important dans la suite de cette affaire. Disons aussi tout de suite, pour rendre justice à qui de droit, que les rapports clairs et substantiels du Dr Blanc sont les pièces les plus instructives à consulter pour l’histoire de cette dernière tentative de conciliation.