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finit par signer, et le consul Plowden eut la satisfaction d’envoyer à Londres, au mois d’avril 1850, un traité en bonne et due forme qui reçut en temps utile les ratifications d’usage. Lord Palmerston avait recommandé trois points principaux à l’attention du consul d’Abyssinie: empêcher, s’il était possible, le commerce des esclaves, faire obstacle aux agressions des Turcs sur la frontière de Nubie, surveiller les progrès des missions catholiques, auxquelles on avait lieu de supposer que la France accorderait son patronage. Plowden s’occupait peu de ses fonctions officielles. Il avoue qu’il avait un faible pour la guerre. Il avait organisé un corps de fusiliers à la solde de Ras-Ali, et suivait ce prince dans ses diverses expéditions en compagnie de son compatriote Bell. On touchait à une époque où le pouvoir du souverain de l’Amhara allait éprouver de rudes échecs. Kassai, dedjaz du Kouara, ne s’était pas encore déclaré indépendant. C’était un chef ambitieux, entreprenant, mais assez habile pour dissimuler ses desseins jusqu’à ce que les circonstances lui fussent favorables. Après une première révolte où il fit l’épreuve de ses forces, Kassai se soumit, rentra en grâce, et tourna son armée contre les tribus arabes du Sennaar, exerçant ses troupes aux combats et aux entreprises. Enfin il jeta le masque; la première victime fut le dedjaz du Godjam, qui fut défait et périt dans la bataille ; puis Ras-Ali, malgré l’appui des deux Européens, succombait à son tour. Restaient en présence Oubié, chef du Tigré, et Kassai. Le premier était plus estimé des étrangers, plus aimé de ses sujets, toutes les chances étaient pour lui; mais le second était plus adroit. Pour ne pas prolonger la lutte, les deux rivaux convinrent qu’un congrès des principaux chefs et dignitaires de l’empire déciderait entre eux. Oubié allait réussir, ce qui eût probablement arraché le pays à l’anarchie; Kassai eut recours à l’intrigue. Il y avait alors en Abyssinie deux évêques catholiques, Mgr Massaya et Mgr de Jacobi, qui commençaient à acquérir une grande influence aux dépens de l’évêque copte, l’abouna Salama, homme ignorant, débauché et très ambitieux. Kassai avait essayé de gagner l’appui de Mgr de Jacobi par la promesse de faire rentrer tout son peuple dans le giron de l’église romaine; voyant que les missionnaires catholiques avaient peu de confiance en lui, il se réconcilia tout à coup avec Salama, qui l’avait déjà excommunié, et lui promit à son tour d’exiler tous les catholiques. En même temps il envahissait le territoire de son compétiteur. Le 10 février 1855, une bataille rangée fut livrée à Deraskie. L’armée d’Oubié fut mise en déroute ; ce chef fut lui-même blessé et fait prisonnier. Deux jours après, Salama couronnait Kassai empereur sous le titre de Théodore, roi des rois d’Éthiopie. Théodore était le nom d’un fa-