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rent pendant la période la plus active de sa carrière un grand encouragement, et une source de vives satisfactions dans sa vieillesse.

A côté de Leeuwenhoek, nous avons nommé, comme ayant singulièrement contribué au progrès des sciences naturelles, deux de ses compatriotes, Ruysch et Swammerdam. Ruysch n’avait pas reçu une instruction beaucoup plus brillante que Leeuwenhoek, il avait commencé par être garçon apothicaire; mais son goût le porta bientôt à s’occuper de recherches anatomiques. Pour l’étude de l’appareil de la circulation du sang, on avait peu songé encore à injecter les vaisseaux avec des matières colorées. Ruysch, s’appliquant à ce genre de préparations avec une extrême ténacité, et ayant imaginé d’excellens procédés qu’il n’a jamais divulgués, obtint des succès inouis. Un nouveau moyen d’investigation conduit presque toujours à mettre en évidence des faits demeurés obscurs. Ruysch eut ce bonheur; les petits vaisseaux étant rendus parfaitement distincts à l’aide de la couleur vive qu’il savait y faire pénétrer, on avait la possibilité de les suivre sous le microscope dans leurs détails infinis. De la sorte l’habile anatomiste enrichit la science d’une foule d’observations pleines d’intérêt sur les merveilleux réseaux vasculaires microscopiques répandus dans le tissu des organes. Sur différens sujets, des discussions s’engagèrent entre Ruysch et le grand Boerhaave, et dans plusieurs circonstances le médecin illustre de la Hollande, l’éloquent professeur, le savant érudit, fut vaincu par l’homme ignorant qui n’avait pour lui que son habileté manuelle et certaines connaissances acquises par une attention continue sur les mêmes objets. Ruysch, en extase devant les admirables ramifications des vaisseaux, en vint à ne plus voir dans la structure des organes que des réseaux vasculaires et à repousser énergiquement les vues de Malpighi à l’égard des glandes. Malpighi était souvent tombé dans l’erreur, Ruysch se trompait à son tour. Ruysch vécut jusqu’à l’âge de quatre-vingt-treize ans, toujours occupé de ses belles préparations et aidé dans son travail par sa femme et ses filles.

Jean Swammerdam, qui naquit en 1637, n’a pas eu une longue carrière; l’histoire de sa vie est navrante. Après avoir fait ses études en médecine à l’université de Leyde, il voyagea en France, et fit même un assez long séjour à Paris en compagnie d’une dame fort excentrique qui peut-être exerça une influence fâcheuse sur son esprit. Dans sa première jeunesse, Swammerdam s’était adonné à l’étude de l’homme et des animaux vertébrés ; mais, n’ayant rien trouvé de bien nouveau, il songea que l’on était peu instruit encore relativement à l’organisation des animaux réputés inférieurs, et