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cristallin formé d’une substance parfaitement homogène; l’habile investigateur reconnut des lames fibreuses dans cette partie de l’œil. Il fit la découverte des anguillules du vinaigre, sorte de petits vers de l’organisation la plus simple, et des vibrions que l’on trouve dans le tartre déposé sur les dents.

Leeuwenhoek avait communiqué ses premières observations à la Société royale de Londres en 1673; la dernière lettre qu’il adresse à cette compagnie savante porte la date du 20 novembre 1717. Il avait alors quatre-vingt-cinq ans. Dans les premiers temps, notre observateur faisait rédiger ses lettres en latin, mais ensuite il se contenta toujours de les écrire en hollandais, et c’est à Londres qu’on se chargeait de les traduire en anglais.

Beaucoup de personnes plaisantaient volontiers à propos de ce que l’on voyait avec le microscope. Plusieurs fois on soumit à l’observateur de Delft certains objets en cherchant à le tromper. L’épreuve tourna constamment à la confusion des mystificateurs. D’un autre côté, la grande compagnie des Indes orientales recourait fréquemment au micrographe pour être éclairée sur la condition des denrées d’outre-mer, et elle eut, paraît-il, infiniment à se louer de ses services.

Les relations que Leeuwenhoek eut dans sa longue carrière, soit avec des savans, soit avec de grands personnages, méritent d’être remarquées. Elles contribuent à faire connaître l’esprit qui régnait au XVIIe siècle dans les hautes classes de la société. L’observateur de Delft, à peu près délaissé dans son propre pays, où il excitait tout au plus la curiosité de ses compatriotes, s’était acquis au dehors une très grande renommée. Les étrangers lui donnèrent des preuves d’estime qui furent la seule récompense de ses nombreux travaux. La Société royale de Londres en particulier se montra pleine d’attentions délicates à son égard. Elle lui adressait quelquefois des livres en présent. Au mois de février de l’année 1680, Leeuwenhoek fait parvenir ses remercîmens au président de la grande compagnie savante de l’Angleterre pour un envoi de ce genre, et, profitant de la bonne occasion, il insinue combien il se trouverait heureux d’être nommé membre de la société. Ce désir à peine exprimé, Leeuwenhoek est élu. Les savans les plus célèbres de l’Angleterre croient n’avoir point assez fait pour l’auteur de si grandes découvertes; ils décident qu’on fera confectionner une boîte d’argent pour renfermer le diplôme du nouvel élu, et dans une autre séance ils décident que les armes de la Société royale seront gravées sur la boîte. Notre micrographe, se trouvant comblé de tant d’honneur, s’empresse d’assurer la société qu’il s’appliquera à la servir aussi longtemps qu’il vivra. Il a tenu sa promesse.

Les savans de Londres désiraient toujours obtenir des indica-