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de constater que ces corpuscules n’ont pas dans la baleine une dimension supérieure à celle qu’on leur trouve dans les animaux de petite taille. Dans la grenouille, les corpuscules se montraient « en nombre incompréhensible. » La laitance de divers poissons ayant été examinée, les corpuscules s’y trouvaient en même quantité prodigieuse. Par cet ensemble d’observations, un fait général était établi, la présence de corpuscules doués de mouvement dans la liqueur fécondante de tous les animaux vertébrés. Telle a été l’origine de la science relativement à la fécondation et à la propagation des êtres. Leeuwenhoek se trompait seulement sur la nature des corps qu’il avait observés, car ce sont non pas des animaux, mais des corpuscules fécondateurs. Les assertions de notre auteur rencontrèrent d’abord bien des incrédules, cependant il fallut se rendre à l’évidence, et une question de priorité fut soulevée par un physicien hollandais. Hartsoeker, un singulier personnage cherchant tous les moyens d’entrer en dispute avec les savans, s’était beaucoup occupé de la construction des microscopes; il prétendit avoir fait connaître le premier les animalcules de la liqueur fécondante, mais la réclamation n’était pas fondée.

Pourrions-nous songer un seul instant à rappeler tous les travaux de Leeuwenhoek? Il n’est presque aucune partie de l’organisme de l’homme ou des animaux dont cet observateur ne se soit occupé avec plus ou moins de succès. Son attention s’est arrêtée à de nombreux détails de la conformation extérieure de plusieurs insectes, et à leur mode de propagation; ses études ont porté sur la structure des plantes, sur la forme des cristaux rencontrés dans certaines liqueurs. En voulant examiner la valeur de chaque observation, il y aurait à faire la part des vérités et des erreurs, et ce serait entreprendre une histoire presque entière des sciences naturelles. Or, dans cette étude, nous avons voulu simplement montrer l’essor nouveau donné aux sciences naturelles par les premiers observateurs au microscope.

Les principaux traits de la structure de l’épiderme, des cheveux, des ongles, des os et des dents, ont été signalés par Leeuwenhoek. Les premières notions exactes sur les muscles, c’est-à-dire la chair dans la langue usuelle, ont été acquises par ses observations. Notre micrographe s’assura que les muscles sont constitués par une multitude de fibres extrêmement minces présentant des stries transversales tout à fait caractéristiques. D’après l’opinion des anciens, on se figurait encore que le nerf optique devait être creux afin de laisser arriver jusqu’au cerveau les images formées sur la rétine. A la demande de plusieurs médecins, Leeuwenhoek s’occupa de cette question, et, par des recherches multipliées, il arriva à la certitude que le nerf optique n’offre pas de cavité intérieure. On croyait le