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transparens. Un jour, la pluie tombant tout à coup en grande abondance, notre observateur recueille un peu de cette eau, il y trouve quelques animalcules; la pluie ayant continué, l’expérience est renouvelée, mais cette fois l’eau ne contient aucun être vivant.

Cette eau de pluie ayant été conservée dans un vase de porcelaine, au bout de quatre jours on y voit des animalcules, et dans les jours suivans leur nombre s’est prodigieusement accru. Leeuwenhoek insiste toujours sur la petitesse de ces êtres, et, voulant frapper l’imagination par une comparaison hardie, il donne pour certain que la différence de taille entre un animalcule et la mite du fromage est analogue à celle qui existe entre l’abeille et le cheval. Une autre recherche avec l’eau de pluie fournit l’occasion de constater que le premier jour il n’y a pas d’êtres vivans, qu’il n’y en a pas encore le lendemain; ce temps écoulé, les animalcules commencent à se montrer et deviennent bientôt fort nombreux. L’expérience plusieurs fois renouvelée donna constamment des résultats du même genre. De l’eau est puisée à la rivière, l’observateur y découvre aussitôt des animalcules. Il y a dans la maison du naturaliste un puits dont l’eau est si froide en été qu’il est pénible d’y plonger la main. Pendant la plus grande partie de l’année, aucune créature n’habite cette eau presque glacée; mais vers la fin de la saison chaude on y trouve beaucoup d’animalcules. L’eau de mer fournit également sa population d’êtres microscopiques. De l’eau de neige a été conservée depuis trois ans dans une bouteille bien bouchée, aucune créature ne vit dans cette eau; mais, l’eau étant versée dans un vase et exposée à l’air, les animalcules ne tardent pas à s’y montrer. L’observateur a l’idée de mettre du poivre dans de l’eau pure, et bientôt les animalcules sont en telle quantité dans cette infusion qu’on peut en estimer le nombre à six ou huit mille pour une seule goutte.

Cet ensemble d’observations offrait à tous égards un intérêt exceptionnel. La découverte des êtres que leur taille infime devait soustraire aux yeux des hommes aussi longtemps que le microscope ne serait pas inventé apprenait à connaître des manifestations de la vie jusque-là tout à fait ignorées. L’observation des circonstances dans lesquelles apparaissent ces êtres fournissait déjà des preuves manifestes que les créatures vivantes le plus simplement organisées ne s’engendrent pas spontanément. Leeuwenhoek a observé les infusoires les plus répandus : les monades, les paramécies, les colpodes et beaucoup d’autres, sans en tracer de véritables descriptions. Dans notre siècle, ces animalcules ont donné lieu à des travaux vraiment magnifiques, et néanmoins, sur la nature précise de leur organisation, ou très simple ou assez compliquée, les opinions des zoologistes demeurent encore partagées.