Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

templer. Les manifestations de leur étonnement ou de leur admiration le remplissaient de joie. Il avait fallu un siècle aux hommes les plus savans pour préparer la découverte de la circulation du sang, il avait fallu un homme de génie pour faire cette découverte, et quand la découverte avait été faite, l’incrédulité s’était manifestée presque de toutes parts malgré les démonstrations les plus ingénieuses et les plus probantes. Singulier contraste : un homme privé du savoir que possédaient tous les autres investigateurs, un simple curieux qui se contente de regarder l’oreille d’un lapin, la patte d’une grenouille ou la nageoire d’un poisson montre à tous les yeux le phénomène, aussi facile à voir que la course d’un torrent qui emporte tous les débris arrachés à ses rives. À ce curieux, il n’avait fallu qu’un microscope.

A peine trois ans sont écoulés depuis l’origine de ses relations avec la Société royale de Londres, et Leeuwenhoek a déjà plus ou moins examiné la plupart des tissus et des liquides de l’organisme et aussitôt annoncé les premiers résultats de ses études sur tant de sujets. Peut-être pense-t-on que désormais l’auteur va seulement poursuivre ses recherches commencées et compléter ses observations. Loin de là; une nouvelle surprise se répand. Tout un monde d’êtres, demeurés invisibles pour les yeux des hommes, a été vu peuplant les eaux. Une simple goutte d’eau peut être le champ dans lequel s’agitent avec une incroyable activité des centaines ou des milliers de créatures aux formes les plus diverses. Une mite a été considérée comme l’un des animaux de la taille la plus exiguë qu’on puisse imaginer; la mite est un géant, si on la compare aux animaux qui viennent d’être observés. La création animée s’étend entre des limites infiniment plus vastes qu’on ne le supposait. La vie est répandue partout et avec une profusion qu’on n’aurait jamais soupçonnée. Voilà ce qui était mis en lumière par les faits énoncés dans une lettre du micrographe de Delft en date du 9 octobre 1676, lettre dont la Société royale de Londres s’occupa pendant plusieurs séances de l’année 1677. Il fut décidé qu’on inviterait M. Leeuwenhoek à communiquer ses méthodes d’observation, afin de pouvoir contrôler les résultats de ses recherches. M. Leeuwenhoek se contenta, de faire parvenir les témoignages de plusieurs personnes attestant la vérité de ses assertions.

On se figure sans peine l’effet que dut produire cette révélation de l’existence d’un monde entier de créatures encore absolument inconnues dans un temps où de fréquentes découvertes jetaient beaucoup d’animation parmi les savans, et dans un siècle où la plupart des hommes d’un esprit cultivé et même les puissans de la terre prenaient intérêt à l’essor de l’esprit humain. Aujourd’hui l’existence de myriades d’animalcules dans presque toutes les eaux