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divers. A-t-il fait une découverte, au plus vite il la consigne sans chercher à l’étendre; il y reviendra plus tard, il y reviendra dix fois, vingt fois dans sa vie, mais toujours selon l’occasion. Si l’on énumérait toutes les observations de notre auteur dans l’ordre où elles furent faites, on s’imaginerait que l’on a pris plaisir à faire la confusion. Leeuwenhoek ne possédait pas le moindre sentiment de la méthode, et telle il supposait l’abeille, tel il était comme auteur, tout à fait sans art; mais les faits qu’il signalait offraient le caractère de la précision, avec lui de nouveaux horizons se dévoilaient, et la science s’enrichissait. »

L’accueil de la Société royale à la première communication de Leeuwenhoek ne tarda point à porter ses fruits. Le 15 août 1673, une des plus importantes découvertes de l’observateur hollandais fut annoncée. C’était la révélation de la véritable constitution du sang. On croyait le sang un liquide rouge; en réalité, c’est un fluide hyalin, à peu près incolore, tenant en suspension des corpuscules ayant seuls la couleur attribuée au liquide. Il est facile de se figurer la surprise causée par une semblable assertion. Un fait bien remarquable était signalé; la connaissance de ce fait devait nécessairement servir plus tard au progrès de la physiologie. C’est toujours un spectacle saisissant que l’observation du sang à l’aide d’un bon microscope, et parmi les personnes les plus étrangères à la science il en est beaucoup qui aiment à se procurer ce spectacle. En Angleterre, où le goût du savoir est assez répandu parmi les classes élevées de la société, il est plus d’un salon où dans les soirées intimes on peut voir, dressés sur des tables élégantes, de magnifiques microscopes qui viennent tenter la curiosité. Des préparations gracieusement encadrées et soigneusement étiquetées sont là, pour montrer les détails de la merveilleuse conformation des êtres les plus petits ou l’admirable structure de certains organes. Chacun regarde et s’extasie en contemplant ces prodiges de la nature, tout fier d’avoir appris bien des choses en s’amusant. Parfois au milieu de cette compagnie si éveillée par l’intérêt du spectacle que l’on a vingt fois changé, se manifeste le désir de voir un objet que la vie n’a pas encore abandonné, du sang par exemple. Une personne va se dévouer, peut-être une fraîche jeune fille, heureuse de montrer son courage. Une imperceptible piqûre est faite au bout du doigt, une gouttelette vermeille vient perler sur l’épiderme; la gouttelette recueillie est étalée sur une lame de verre et soumise au microscope. C’est alors que se font entendre les exclamations. Une lampe projette une vive lumière qui est réfléchie par un miroir, les jolis corpuscules du sang se montrent en nombre prodigieux, avec une netteté si parfaite et sous l’apparence d’un volume tel qu’on croirait pouvoir les saisir isolément. Ces