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wenhoek, depuis la mort du grand observateur, ne prononcent son nom qu’avec un sentiment d’orgueil national fort légitime, mais les contemporains se sont si peu occupés de cet homme à qui la postérité a fait une place magnifique dans l’histoire des sciences, de cet homme déjà apprécié par les savans étrangers de son époque, qu’ils n’ont presque rien recueilli sur les circonstances les plus intéressantes de sa vie.

Leeuwenhoek construisait ses instrumens sans recourir à aucune main étrangère, et, poussé par le désir perpétuel d’en avoir toujours de meilleurs que ceux qu’il avait déjà, il finit par en posséder une collection de plusieurs centaines. Il en donna quelquefois, suivant toute apparence il n’en vendit jamais. Prenant des soins extrêmes pour le choix des verres, sachant les tailler et les polir avec une perfection inconnue avant lui, il obtint tout de suite d’excellens résultats. Les microscopes de l’ingénieux Hollandais se composaient d’une lentille biconvexe, enchâssée entre deux plaques de cuivre ou d’argent percées d’un trou, et d’une aiguille mobile fixée au-devant, de manière à servir de porte-objet. Une vis permettait d’élever ou d’abaisser le porte-objet afin de le mettre exactement au foyer de la lentille. Le corps à examiner était-il solide, l’observateur le plaçait à l’extrémité de l’aiguille; la substance à étudier était-elle fluide, on la répandait sur une lame de verre ou de mica, et avec un peu de cire ou toute autre matière agglutinante la lame de verre était maintenue au bout de l’aiguille. De pareils instrumens ne devaient pas être d’un emploi facile, et il fallait une singulière patience pour ne pas s’irriter contre la lenteur des préparatifs de chaque observation.

Les microscopes de Leeuwenhoek, d’après les descriptions qui en ont été données, auraient tous été construits à peu près sur le même modèle. Le fait est affirmé par Henri Baker, un naturaliste anglais du XVIIIe siècle, qui cherchait à répandre dans le monde le goût des observations micrographiques. « Plusieurs écrivains, dit Baker, croient que les verres dont se servait M. Leeuwenhoek étaient des globules ou de petites sphères; c’est une erreur provenant de ce qu’ils ont parlé de choses qu’ils n’avaient jamais vues. J’ai en ce moment sur ma table, poursuit le narrateur, vingt-six microscopes que le célèbre observateur a légués à la Société royale, et tous ces microscopes ont une lentille biconvexe. » Le plus faible de ces instrumens avait un pouvoir amplifiant de quarante fois en mesure linéaire, trois grossissaient cent fois, le plus puissant cent soixante fois, et Baker constate en dernière analyse que « les microscopes de M. Leeuwenhoek étaient les plus simples que l’on pût imaginer. » Malgré des assertions aussi formelles, on ne saurait