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Pendant cinq ans, il suit les cours de l’université de Padoue; il est l’élève de Fabrizio d’Acquapendente, et on peut croire qu’un tel maître exerça une singulière influence sur l’esprit clairvoyant du jeune homme. Comme le remarque Sprengel, l’auteur célèbre d’une histoire de la médecine, rien n’explique mieux Harvey que son éducation à Padoue. Frappé de l’observation de Fabrizio relativement à la direction des valvules dans les veines et des faits déjà connus concernant la circulation pulmonaire, Harvey conçut l’idée de la circulation générale du sang. Tout était préparé pour la découverte, a-t-on répété plus d’une fois. Rien de plus vrai, et cependant, si l’homme de génie n’était venu, la découverte complète pouvait longtemps se faire attendre et ne résulter que d’une multitude d’efforts. La connaissance de la petite circulation ou circulation pulmonaire était acquise par les recherches de Michel Servet, de Colombo et de Cesalpino. Harvey démontre d’un seul coup par d’ingénieuses expériences la grande circulation ou circulation générale. à examine le cœur, et il reconnaît comment le sang y pénètre, comment il est chassé dans les artères pour être porté à toutes les parties du corps. En ouvrant une artère, il voit de quelle façon le sang s’échappe par jets inégaux qui répondent aux battemens du cœur. Considérant les veines, il s’assure par la disposition des valvules et par le gonflement qui se produit invariablement au-dessous des ligatures que la seule marche possible pour le sang est dans la direction des valvules, la marche qui conduit des extrémités vers le cœur. Un point manque, un seul, pour que la démonstration soit entière : le passage du sang des artères dans les veines n’avait pas été vu. Il était réservé aux premiers observateurs au microscope d’achever la démonstration. Dans des leçons publiques, Harvey enseigna la circulation du sang dès l’année 1619; l’ouvrage qui fait connaître l’ensemble de ses expériences ne parut pour la première fois qu’en 1628. La découverte de l’illustre physiologiste de l’Angleterre eut le plus grand retentissement; mais ce ne fut pas tout d’abord l’admiration qui éclata. Les opinions accréditées à l’égard du rôle des vaisseaux sanguins étant renversées; l’incrédulité, les colères, les railleries, les dédains, n’épargnèrent point d’abord le savant qui devait un jour occuper une si grande place dans l’estime des hommes. L’opposition violente de Riolan, les sarcasmes de Gui-Patin, sont bien connus. Saint-Simon ne rapporte-t-il pas comme une singularité digne d’une mention que Petit, « le médecin de monseigneur, homme d’esprit, de savoir et de probité, mourut en 1702 sans avoir jamais voulu admettre la circulation du sang? »

Les anciens considéraient tous les animaux inférieurs comme pri-