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nier acte politique de l’administration de Jefferson. Le 4 mars 1809, James Madison lui succédait à la présidence. Tous les partis étaient mécontens du système restrictif : on était obligé de reconnaître qu’il avait fait plus de mal aux États-Unis qu’à la Grande-Bretagne ; mais comment réparer les désastres causés par l’embargo ? Comment résister à l’Angleterre sans armée, sans marine digne de ce nom ? On ne voyait d’autre moyen que l’invasion du Canada. Madison cependant n’encourageait point ce projet. Se tenir aussi près que possible de la politique de Jefferson demeura sa règle de conduite. De sa solitude de Monticello, le grand homme gouvernait encore. Il avait une foi inébranlable dans l’avenir de son pays. Il le voulait pacifique ; pour le moment, il suffisait de ne point offenser Bonaparte, qui semblait s’élever à l’empire universel. Il fallait opposer une inertie absolue aux prétentions de l’Angleterre, aussi puissante sur mer que l’empereur l’était sur terre. Malheureusement Madison, qui s’était fait l’exécuteur de cette politique de temporisation, était loin d’avoir sur le parti démocratique l’autorité presque sans limites dont avait joui Jefferson. Il laissait flotter les rênes que Jefferson avait tenues d’une main ferme. Les propositions les plus absurdes, comme il arrive dans les cas où le pouvoir exécutif n’exerce plus aucune initiative, étaient chaque jour discutées par le congrès, et Quincy n’y prenait plus qu’une part assez indifférente pour en démontrer à l’occasion l’inanité.

Par un point cependant, la session de 1810 à 1811 tient une place importante dans l’histoire du congrès américain. Pour la première fois il fut question de créer des états nouveaux non plus dans le territoire qui dépendait des États-Unis au moment de la signature du pacte fédéral, mais en dehors des limites du domaine national primitif. On eût sans doute bien surpris les fondateurs de l’Union, si on leur eût dit qu’on verrait un jour à Washington des représentans de l’Orégon et de la Californie avec ceux de la Virginie et du Massachusetts. Il n’est pas douteux que le rêve de leur ambition ne dépassait point les limites de la chaîne des Alleghanys et qu’ils ne prétendaient point à l’empire de tout le continent. En favorisant à une période postérieure la création incessante de nouveaux états, les démocrates eurent moins pour but de grandir la république que de fortifier l’institution de l’esclavage en lui ouvrant sans cesse de nouveaux espaces, en lui assurant une représentation de plus en plus nombreuse et prépondérante au sénat. On comprend aisément quelles durent être les angoisses et les colères des fédéralistes quand pour la première fois ils virent rompre l’équilibre politique entre le nord et le sud. L’admission de la Louisiane soulevait les plus graves questions constitutionnelles. Quincy, fidèle aux doctrines de son parti, défendit avec beaucoup