Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin d’y rétablir sa santé ébranlée. Il voulait en même temps entrer en rapports avec ceux qui soutenaient dans le parlement anglais la cause des colonies. Il se lia bientôt avec les whigs les plus importans, et Franklin écrivait de lui en 1775 : « C’est grande pitié que sa vigueur physique ne soit point égale à la vigueur de son esprit. » Les confidences politiques qu’il reçut devaient être de nature assez grave, car il repartit précipitamment pour l’Amérique au cœur de l’hiver; sa maladie s’aggrava pendant la traversée, et le 16 avril 1775 il rendit le dernier soupir en vue même de la côte des États-Unis. Il répéta plusieurs fois au moment d’expirer qu’il mourrait content, s’il pouvait seulement causer une heure avec Adams ou Warren. Deux mois après, son ami Warren tombait à Bunker’ s-Hill. Son nom est resté associé à celui de Quincy, qui mourait à trente et un ans, victime moins illustre, mais aussi courageuse, d’un ardent patriotisme. Son père, le colonel Quincy, se retira pendant la guerre à Braintree, l’un de ces petits villages bâtis sur la côte rocheuse du Massachusetts. A tout moment, on attendait un débarquement des Anglais; pendant le siège de Boston, la famille du colonel Quincy se réfugia plus d’une fois dans la ferme des Adams, située un peu plus loin de la mer, au pied de Penn’s-Hill. La veuve de Josiah Quincy n’était pas restée à Braintree avec son beau-père, elle avait dès le commencement des troubles emmené son jeune enfant dans sa propre famille. La mort de son mari l’avait accablée de douleur, et avait donné à son patriotisme déjà ardent quelque chose de plus sévère, et, si l’on me permet le mot, de plus romain. Elle élevait durement ce petit enfant, en qui s’étaient pourtant concentrées toutes ses affections. A l’âge de trois ans, on le prenait dans son lit chaud, hiver comme été, et on le plongeait trois fois dans l’eau de la pompe. Mme Quincy employait tous les moyens pour endurcir le corps de son fils; elle cherchait en même temps à développer en son âme les sentimens héroïques. Elle lui représentait sans cesse la fin prématurée de son père, ce triste voyage, cette mort en face du port, et allumait ses jeunes colères contre l’Angleterre. Elle lui faisait répéter constamment dans les vers de Pope la scène touchante des adieux d’Andromaque et d’Hector.

A six ans, on l’envoie à l’académie d’Andover. Cet établissement avait été fondé par M. Phillips, le grand-père de Mme Quincy, et par d’autres personnes de sa famille. Les Phillips se faisaient un devoir d’y envoyer leurs enfans : d’ailleurs le petit Josiah, turbulent et tapageur, commençait à troubler le repos de son grand-père, vieillard sévère et sans complaisance pour les fantaisies d’un enfant. A Andover, le petit élève se trouva dès l’arrivée assis à côté