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que j’ai. — O vieux Joan, nouvel habitant de Bardjani, — le peuple dit que tu as beaucoup de bœufs. — Je les ai, pacha, Dieu me les a donnés! — Cent chevaux vont labourer pour moi, — et des bœufs destinés à la boucherie je ne sais pas même le nombre. — O vieux Joan, nouvel habitant de Bardjani, — le peuple dit que tu as beaucoup de chevaux. — Je les ai, pacha, Dieu me les a donnés! — Trente bêtes de somme, — et des étalons, je n’ai pas le compte. — O vieux Joan, nouvel habitant de Bardjani, — on dit que tu as beaucoup de bétail. — Je l’ai, pacha, Dieu me l’a donné! — Cinq mille brebis pour le beurre et le lait; — les stériles, je ne les ai point comptées. — O vieux Joan, nouvel habitant de Bardjani, — on dit que tu as beaucoup d’argent. — Je l’ai, pacha. Dieu me l’a donné! — Cinq cents sacs de ducats d’or; — l’argent, je ne l’ai pas compté. — O vieux Joan, nouvel habitant de Bardjani, — continue de manger le troupeau, mais partageons le trésor. — Demande-le au nom de Dieu, — je te le donnerai généreusement. — Si tu veux l’obtenir de force, — j’ai cent épées pendues au crochet, — trois cents fusils pendent dans les coins. »


On croirait entendre un de ces opulens pasteurs de la race sémitique qui donnaient l’hospitalité aux rois, et on n’est pas surpris de voir les Bulgares célébrer dans un de leurs chants Abraham et son dévouement absolu à Jéhovah. Les Bulgares sont tellement convaincus, ainsi que jadis les fils de Sem, que tout ce qui se rattache à l’existence des pasteurs est noble et essentiellement relevé, qu’un guerrier intrépide est comparé au « chef frisé » d’un troupeau de moutons, et qu’un personnage très flatté dans un de leurs chants, le neveu du roi Sisman, est complètement adonné aux occupations pastorales. Lorsque la mère de Mirko l’appelle auprès d’elle, il s’avance accompagné de son innombrable troupeau. Un manteau de peaux le préserve de la pluie et du froid. Rien n’indique qu’il est le plus brave héros d’une famille princière.

Dans un pays tant de fois ravagé et où la population est si rare, le cheval devient le plus précieux des auxiliaires. Les Finno-Mongols qui envahirent la péninsule étaient, comme les ancêtres des Magyars, un peuple de cavaliers. Les uns et les autres continuent de vivre à cheval, autant que le permet un genre de vie moins agité que celui de leurs aïeux. Aussi le cheval tient-il une telle place dans les chants bulgares qu’on est parfois tenté de se demander en les lisant s’ils n’ont pas été apportés des steppes où l’homme a soumis le cheval à son empire. Parmi les biens que possède Salakim Todor et que veut lui enlever une fantaisie despotique du tsar (le sultan), son «coursier rapide » est placé au troisième rang, immédiatement après sa « belle épouse » et a l’étendard chrétien. » Raïko Boscovich va jusqu’à mettre son « héroïque cheval » avant