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Turcs à la bataille de Nicopolis (1391), les Bulgares subirent le joug ottoman depuis la fin du XIVe siècle. Un chant où il est questions de Sisman nous le présente sous le poids de la tristesse que lui apportent les prétentions excessives des étrangers, et comme obligé, même avant de perdre la couronne, de bannir ses neveux des noces de sa fille, afin d’obéir au « roi latin » qui l’épouse. Faut-il voir dans ce chant une allusion aux relations des derniers rois avec l’Italie? L’islam s’introduisit en Bulgarie avec la conquête ottomane. Repoussé unanimement par les Hellènes et par les Roumains, il a été mieux accueilli par les Slaves, et il a fait de si importantes conquêtes chez les Bulgares et les Serbes qu’on est porté à croire que, parmi les mahométans qui habitent la Bulgarie, une partie seraient descendans de Bulgares qui ont embrassé l’islamisme. Le turc est aujourd’hui l’idiome qui domine en Bulgarie. Le grec est la langue de l’église. La conquête ottomane, tout en introduisant l’islam parmi les Bulgares, devait rendre au patriarche œcuménique son autorité sur cette nation. Les abus incontestables produits par l’exercice de cette autorité ont réveillé chez un certain’ nombre de Bulgares le désir de s’unir avec Rome.

Au temps de la guerre de l’indépendance hellénique, le zèle que les haïdouks bulgares avaient montré pour la cause de la Grèce avait naturellement fait croire que leurs compatriotes avaient les mêmes vues politiques que les Hellènes. Il serait difficile aujourd’hui de se faire une semblable illusion. Sans parler de manifestations significatives, un voyageur allemand fort sagace, qui a publié dans l’Unsere Zeit le résultat de ses observations, atteste que les Bulgares sont bien loin d’en être restés aux timides aspirations de leurs pères. Fiers aujourd’hui de leur nombre, ils ne songent plus à se fondre avec les Hellènes. Ils n’ignorent plus que ceux qui sont maîtres des Balkans dominent la péninsule et tiennent les clés de Constantinople. Tout en se demandant si la moins avancée des populations de la péninsule a ce qu’il faut pour soutenir ces hautaines prétentions, on est porté à croire qu’elles rendraient difficile une fusion avec un des peuples voisins. Les liens qui ont uni les Bulgares aux Roumains sont depuis trop longtemps brisés pour qu’un nouveau royaume valaco-bulgare se forme dans la vallée du Bas-Danube, entre les Balkans et les Karpathes. La possession des vastes territoires occupés en Macédoine et en Thrace par les populations bulgares établit bien des rapports fréquens entre les Bulgares et les Hellènes; mais le caractère si différent de ces deux peuples, la diversité de leurs tendances politiques, les luttes sur le terrain religieux, ont déjà élevé entre eux des barrières assez hautes. Il semble que les Bulgares devraient avoir, à cause de leur origine semi-slave, plus de sympathie pour les Serbes, dont ils ont adopté le hé-