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intimes avec les Roumains de ces contrées et même avec une population finno-mongole de la rive gauche du Danube, les Koumans, trouva en eux un appui plus solide que les papes., Les Koumans étaient enchantés de transporter de l’autre côté du fleuve leurs tentes de feutre. Jean se servit sans scrupule de ces barbares et même de ses premiers adversaires les Byzantins contre l’empereur flamand de Constantinople, Baudouin Ier. Baudouin avait essayé de le traiter en vassal, et lui avait rappelé avec l’orgueil d’un baron des temps féodaux l’obscurité de la famille des Asan. L’impétueux Calojan courut s’emparer d’Andrinople, et dans une sanglante bataille livrée sous les murs de la ville il battit et Baudouin et le doge de Venise Henri Dandolo. La mort tragique de l’empereur, que l’héroïque doge ne tarda pas à suivre dans la tombe, irrita d’autant plus Innocent III que Jean continuait avec acharnement la guerre contre les maîtres de Byzance. Tout en prétendant combattre, ainsi que l’avait fait Guillaume le Conquérant, « sous l’étendard de saint Pierre, » Calojan était un disciple plus difficile à diriger que le duc de Normandie. « A la nouvelle de la prise de Constantinople, écrivit-il au pape, j’ai envoyé féliciter les Latins, et je leur ai offert mon amitié. Ces avances de ma part n’ont été payées que par un mépris injurieux. Ils m’ont répondu avec insolence que je n’avais de paix à espérer qu’en leur rendant le pays que j’avais usurpé sur l’empire. Je leur ai répondu et je leur répète encore que je possède mon royaume à meilleur droit qu’ils n’en ont sur ce qu’ils appellent leur empire. J’ai recouvré le pays qui fut le domaine de mes pères... » Il ajoutait en finissant qu’il continuerait de combattre des « infidèles qu’on appelait chrétiens parce qu’ils portaient sur les épaules de fausses croix. » Calojan, dont les troupes s’étaient avancées jusque sous les remparts de Constantinople, semble avoir été assassiné tandis qu’il assiégeait Thessalonique. Sa mort arrivait tellement à propos pour la ville que toute la Macédoine la considéra comme un miracle. Calojan avait vu dans un songe saint Dimitri, patron de Thessalonique, monté sur un cheval blanc, qui le perçait de sa lance. Cette fin du prince valaco-bulgare, aussi tragique que celle de ses frères, donne une médiocre idée de la reconnaissance de ces populations envers leurs libérateurs.

Les successeurs de Calojan surent faire respecter quelque temps l’œuvre des fondateurs du royaume valaco-bulgare; mais après le règne des derniers princes asaniens l’indépendance des Bulgares devint de plus en plus précaire. Lorsque Caliman II eut été battu et tué par les Russes, l’anarchie, prélude ordinaire de la conquête, se déchaîna sur le pays. On vit un Serbe, Constantin Tiech, un porcher moldave, Corducuba, un Kouman, Terter, s’asseoir sur le trône des Asan. Sisman, fils d’une Juive, ayant été fait prisonnier par les