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négatifs et les autres positifs. Il fallait d’abord se préserver soigneusement des souillures de la matière et ensuite concevoir le divin Logos comme la Panaghia l’avait conçu, c’est-à-dire d’une manière spirituelle. Cette conception semble devoir être considérée comme une identification de l’âme avec son principe divin, principe qui reste éternellement solitaire, la Trinité n’étant point admise par Basile dans le sens orthodoxe. Un secrétaire caché derrière un rideau écrivait l’exposé de ces théories à mesure que le chef des bogomiles les exposait avec la conviction entêtée qui caractérise les théologiens. Lorsqu’il eut fini, l’empereur ouvrit les portes de l’appartement au patriarche œcuménique, aux principaux membres du clergé et du sénat, épouvantés des « horreurs » dont on leur fit la lecture. Alexis employa tous les moyens pour décider Basile à se rétracter. La vue même du bûcher n’ayant pu parvenir à ébranler son courage, l’autocrate le fit brûler vif. C’est ainsi que plus tard le roi d’Angleterre Henri VIII terminait les discussions théologiques où il n’avait pas triomphé des calvinistes.

Le peu d’accord qui existait entre Byzance et les Bulgares dans les questions religieuses, la révolte de Tichomir sous Micliel IV le Paphlagonien, l’insurrection de 1074 sous Michel VII Parapinace, font assez comprendre que, malgré la longue soumission des Bulgares à l’empire, leur antipathie pour les Grecs n’était nullement éteinte; mais peut-être les Bulgares se fussent-ils résignés, s’ils n’avaient trouvé parmi les Roumains du mont Hémus les chefs habiles et résolus qui devinrent les fondateurs du royaume valaco-bulgare. L’apparition sur la scène des deux frères Petar (Pierre) et Asan (ou Asen) est le premier signe du réveil de la population latine sur les deux rives du Danube, réveil qui devait aboutir à la fondation des principautés de Valachie et de Moldavie.

Le frère cadet d’Asan, Calojan, que les Byzantins appelaient Skyloïoannis (chien de Jean), joignait à un esprit politique digne de l’ancienne Rome une cruauté capable de conserver à la Bulgarie le renom de férocité qu’elle avait conquis sous les Krum et les Siméon. Pour s’assurer l’appui de l’Occident, Calojan feignit d’obéir à l’attrait qui attire la masse des Latins vers l’église romaine. Innocent III, séduit par ses belles promesses, lui envoya un légat pour le sacrer roi de la Macédoine, de la Thessalie, des Bulgares et des Valaques; mais le terrible krâl se montra beaucoup moins docile devant les instances de l’habile héritier de Grégoire VII que Philippe-Auguste et Othon de Brunswick à la même époque. Les avances qu’il fit à Rome n’eurent d’autre résultat que d’ajouter aux embarras de la papauté, qui croissaient à mesure qu’elle confondait les intérêts spirituels avec les intérêts temporels. Calojan, qui fonda Craïova (Krâl-Jov), capitale de la Petite-Valachie, et qui avait des rapports