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seigna le christianisme à la captive, tandis qu’un autre prisonnier, le moine Théodore Kupharas, essayait de gagner Boris à son église. En 864, un miracle qui rappelle la légende de Tolbiac, triompha des hésitations de Boris. Dans une famine qui ravageait son pays, le roi, obéissant aux conseils de sa sœur, eut recours au Christ, et la famine cessa. On ajoute qu’un tableau du jugement dernier, peint par le moine Méthodios, acheva de décider le prince. Il se fit baptiser sous le nom de Mikhaïl. Les Roumains de ses états étaient déjà chrétiens depuis le commencement du IVe siècle. Un prélat non moins habile et plus savant que le Rémi de Reims, le célèbre Photios, semble avoir joué un rôle fort actif dans ces événemens.

Mikhaïl, comme le tsar Pierre Ier poussa l’enthousiasme pour les idées qu’il avait adoptées jusqu’à traiter son fils aîné avec une rigueur impitoyable. Le voyant hostile au christianisme, il lui fit crever les yeux, mit la couronne sur la tête de son fils cadet, Vladimir (888-892), puis alla s’ensevelir dans un cloître, où, disent les Bulgares, il mérita le titre de saint. Lorsque le successeur de Vladimir, Siméon, monta sur le trône, on pouvait croire que la civilisation byzantine prendrait parmi les Bulgares un ascendant irrésistible. Luitprand dit qu’on appelait Siméon le demi-Grec, et qu’il avait dès l’enfance appris à Byzance « la rhétorique de Démosthènes et les syllogismes d’Aristote. » Toutefois son règne ne fut qu’une lutte sans merci contre l’empire. Trois fois les Bulgares parurent sous les murs de la capitale, et dans deux de ces expéditions Siméon conduisait lui-même ses troupes. Dans la seconde de ces campagnes, il eut une entrevue avec l’empereur Romain Ier Lécapène. Les Byzantins, qui au temps de Krum avaient trouvé les Bulgares si sauvages, furent étonnés du luxe étalé par les courtisans de Siméon. L’autocrate crut pouvoir faire un appel aux sentimens religieux du demi-Grec, auquel il adressa un discours plein d’une onction évangélique, et terminé par la promesse de magnifiques présens qu’il s’empressa de lui offrir. Le Bulgare se laissa convaincre, et tourna son ardeur belliqueuse contre les Khrobates (Croates), qui écrasèrent son armée. Il en mourut de douleur après trente-cinq ans de règne et de batailles (927).

Sous le règne de Petar Ier (Pierre), fils cadet de Siméon (l’aîné s’était fait moine), Nicéphore II Phocas eut l’idée de mettre les Russes aux prises avec les Bulgares. Les Slaves de l’est ne firent pas moins de mal à ceux-ci que les Slaves du sud, et Sviatoslav acheva l’œuvre des Croates; mais les Byzantins ne tardèrent pas à trouver leurs alliés plus dangereux encore que leurs ennemis. Jean Ier Zimiscès, ayant réussi non sans peine à battre les Russes, emmena à Constantinople le petit-fils du terrible Siméon, Boris II, et le nomma maître de la milice, tandis qu’on faisait de son frère un eunuque. Les Bul-