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insatiable de richesses. » Déjà les barbares apercevaient sous le vernis de la civilisation les plaies honteuses qui dévoraient Byzance, avilie par le bigotisme et par le despotisme. Michel Ier le Curopalate, gendre de Nicéphore, ayant refusé de payer à Krum, un tribut en habits de soie, en cuir rouge et en belles vierges, le Bulgare attaqua ses états avec l’ardeur qu’il portait dans toutes ses entreprises. Les Bulgares trouvaient souvent dans de pareilles tentatives des auxiliaires inattendus. Un ingénieur appartenant à ce peuple arabe dont il est si souvent question dans les chants populaires de la Bulgarie, mécontent de l’avarice et de la dureté de Nicéphore, s’était décidé, quoique chrétien, à passer chez les Bulgares, auxquels il enseigna l’art de fortifier et d’attaquer les places. Le « nouveau Sennachérib, » — tel est le nom que les Byzantins donnaient à Krum, — après avoir battu Michel, laissa son frère devant Andrinople, tandis qu’il marchait lui-même sur la ville de Constantin à la tête de son infatigable cavalerie. Il campa entre les Blakernes et la Porte-Dorée. La vue des murailles qui protégeaient la cité sembla faire quelque impression sur les Bulgares; probablement ils n’avaient pas les machines nécessaires pour les ébranler. Leur souverain se contenta d’abord de demander à Léon V l’Arménien, successeur de Michel, qui avait abdiqué à la suite de ses revers, d’enfoncer sa lance dans la Porte-Dorée. Cette demande ayant été repoussée, il proposa la paix, et l’on convint d’une entrevue sur le rivage du golfe de la Corne-d’Or. Léon, convaincu que les chrétiens n’avaient point à se préoccuper des règles du droit des gens quand il s’agissait d’éloigner des barbares, essaya dans cette conférence de se défaire de Krum ; mais l’intrépide Bulgare échappa aux assassins et regagna son camp blessé et furieux. De tels procédés n’étaient pas faits pour rendre meilleure l’opinion qu’il avait des disciples de Jésus. Justement indigné contre l’autocrate, il brûla son palais de Saint-Mamas, et, livrant aux flammes sur son passage les églises et les monastères, il se précipita sur Andrinople, la seconde ville de l’empire. Il la prit, la livra au pillage et rentra triomphant dans ses états, traînant à sa suite 20,000 captifs, sans compter les femmes et les enfans.

Après la mort de Krum (815), qui n’avait pas renoncé à prendre Constantinople, ses successeurs ne se montrèrent pas capables d’exécuter d’aussi vastes projets. Le christianisme s’était introduit parmi leurs sujets avec les prisonniers d’Andrinople. La conversion des rois de Bulgarie devait se faire par les mêmes moyens qui ont porté tant de chefs barbares à renoncer au polythéisme. Une sœur de Boris, troisième successeur de Krum (843-888), était prisonnière dans le palais de Byzance, tandis que Théodora était régente de l’empire pendant la minorité de Michel III l’Ivrogne. L’augusta en-