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ils ont donné leur nom. « Le passage définitif du Danube par les Bulgares, dit-il, eut lieu vers la fin du règne de Constantin Pogonat, et ce fut alors aussi que leur nom se fit connaître. Auparavant on les appelait Onogoundoures[1]. » Cette partie de l’ancienne Thrace était occupée, au moment où les Bulgares vinrent s’y établir, c’est-à-dire vers la fin du VIIe siècle, par des populations d’origines très diverses. C’étaient d’abord les Severenses (Sewères), puis les « sept peuples, » dont l’origine slave n’est pas contestée, les Roumains, installés là par Aurélien. Des rangs des Roumains étaient sortis les empereurs Galérius (Dara), Licinius et Justinien (Oupranda). L’influence slave, qui se fit d’abord sentir sur des populations encore hostiles au christianisme, fut assez forte pour décider les Bulgares à renoncer à leur langue. Quoique Schafarik atteste que beaucoup de mots finnois subsistent encore dans la langue bulgare, quoique le savant professeur Ascoli[2], d’accord avec les Allemands, y retrouve des débris de thrace, cette langue est devenue slave. Le type physique, le caractère et les habitudes ont subi également de graves transformations. Il en est résulté une population intermédiaire qu’on distingue au premier coup d’œil des Serbes. Comme aspect, ils rappelleraient plutôt les Turcs. Ils sont petits, vigoureux, leur front est haut, leurs cheveux sont bruns et bouclés, leurs yeux peu ouverts et fendus obliquement, le nez est aquilin, la barbe noire et bien fournie. Comme les Finnois, ils ont pour le travail des champs un goût malheureusement trop rare dans la péninsule orientale ; mais, malgré la solidité de leur constitution, ils sont bien loin d’avoir l’énergie militaire des Serbes. Naturellement pacifiques, les Bulgares sont exposés par cela même aux vexations ou aux railleries de toutes les races qui les entourent. Les Turcs sont disposés à abuser de leur douceur, les Hellènes et les Roumains ont l’habitude de tourner en dérision leur extrême simplicité, les Albanais se moquent de leur prudence, les Serbes ne les estiment pas beaucoup plus à cause de la placidité avec laquelle ils supportent la domination ottomane. Peut-être cette résignation a-t-elle pour cause quelques affinités entre les Bulgares et les Turcs. Ces deux peuples en effet appartiennent à la race finno-mongole, et se sont également, depuis leur établissement dans la péninsule, modifiés par de perpétuelles alliances avec les Indo-Européens.

Que les Hellènes et les Roumains, descendans des races les plus civilisées de l’ancien monde, aient exagéré la simplicité des Bulgares, il est assez naturel de le supposer. Il faut avouer cependant

  1. Ὀνογουνδούροι (Onogoundouroi), ou Huns-Goundoures, c’est-à-dire qu’on les confondait avec d’autres Finno-Mongols, ancêtres des Magyars, les Hunugares des Latins, les Ounououres des Hellènes.
  2. Voyez le Politecnico de Milan, mars 1867.