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sentaient quand se montraient à leur frontière les féroces Touraniens. On crut revoir les hordes d’Attila, et la « race impure des Bulgares » fut après les Huns, peuple composé de Finnois et de Mongols, considérée comme un « fléau de Dieu. » A l’exemple des Huns et des autres nomades, ils vivaient à cheval, aussi prompts à s’avancer en cas de succès qu’à disparaître en cas de défaite. L’épouvante qu’ils inspiraient a quelque chose de prophétique, puisque la civilisation était destinée à disparaître dans la péninsule orientale sous les pieds des hordes du Touran, effroi éternel des Aryas. Les Bulgares étaient l’avant-garde des Turcs. Les corbeaux, qui flairent les cadavres, précédaient les hordes affamées des steppes. La présence de ces sinistres compagnons, les conjurations de leurs sorciers, assez puissantes pour fasciner les Byzantins superstitieux, leur luxure sans frein, favorisaient l’opinion qui voyait en eux des agens d’un pouvoir malfaisant. Sans s’apercevoir que leur sobriété, la rapidité de leurs mouvemens, l’adresse à manier des arcs énormes et à lancer en courant un filet aussi redouté que leurs longues flèches et leur coutelas de cuivre, le mépris de la mort, commun chez les barbares, étaient la principale cause de leurs triomphes sur des populations déjà fort amollies, on disait que cette nation « hideuse et sale » qui menaçait l’empire et l’église avait fait un pacte avec les puissances infernales, et qu’elle leur devait ses victoires.

Les Ouar-Khouni, connus sous le nom d’Avares, branche collatérale des Huns, ayant à leur tour franchi le Volga (555) et étendu leur domination sur les rives de la mer d’Azof, les Bulgares durent comme les Slaves se résigner au rôle d’instrumens de la politique avare ; mais Koubrat (le Crobatus des Occidentaux) secoua le joug du kha-khaa des Avares, et se fit si bien respecter des barbares et des Romei que l’empereur Héraclius lui donna le titre de « patrice de l’empire, » titre dont le roi des Franks Clovis était si fier. Koubrat, qui semble avoir eu quelques-unes des qualités du mérovingien, comprit mieux que lui le danger des partages. Au lit de mort, il conjura ses cinq fils de rester unis dans l’intérêt de la nation. Ces conseils étaient au-dessus de l’intelligence des chefs finnois. Les fils de Koubrat se partagèrent ses soldats. L’aîné, qui resta dans le pays natal, ne put résister aux Khazars, nation finno-mongole, dont il devint tributaire. Le troisième, Asparukh (on place son règne vers 660), s’établit vers les bouches du Danube, où sa horde devint le noyau de la puissance bulgare.

Constantin VII Porphyrogénète rend compte lui-même, dans son Traité de l’administration de l’empire, de l’entrée des Bulgares, « nation réprouvée de Dieu, » dans la Mœsie inférieure, à laquelle