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et l’impuissance des doctrines philosophiques à remplir la mission que jusqu’ici l’histoire assigne aux institutions religieuses, alors leur confiance est sans homes et leur triomphe certain sur le grand théâtre où se déploient leur logique et leur éloquence; mais voilà précisément ce qui fait le singulier dialogue entre la théologie et la critique aujourd’hui, en France surtout. Pendant que la critique demande ses comptes à la théologie, celle-ci invite le peuple à monter au Capitole pour y rendre grâces aux dieux des grands services rendus par le christianisme au monde. L’histoire dit que les accusateurs eux-mêmes de Scipion suivirent le peuple. L’histoire dira-t-elle aussi que nos philosophes se sont associés aux démonstrations populaires provoquées par l’éloquence des théologiens? La gloire n’est pas la justice, avait dû dire le vieux Caton en contemplant cette grande scène qui préparait de loin le triomphe de César. Nos philosophes ne diront-ils pas à leur tour que la grandeur, la puissance, la popularité, ne sont pas la vérité?

On comprend qu’une telle méthode ne soit pas de nature à infirmer les conclusions de l’école critique en ce qui concerne soit la vérité historique, soit la vérité dogmatique du christianisme. Nous le demandons à M. Dupanloup, à M. l’archevêque de Paris, au père Gratry lui-même, croient-ils réellement en avoir fini par de pareils procédés avec la science de leur temps? Ne voient-ils pas qu’après toutes ces belles campagnes entreprises contre l’athéisme, le matérialisme, le panthéisme et la sophistique contemporaine, la discussion n’a point fait un pas de leur côté, que l’école de la science et de la critique religieuses attend encore le premier mot d’une véritable réfutation? Aussi qu’arrive-t-il? Que cette école poursuit le cours de ses paisibles et peu populaires études sans s’émouvoir de l’éloquence et de la passion de ses adversaires. Si la théologie catholique n’y prend garde et ne se hâte d’y mettre ordre, l’école critique, que tant de travaux solides en Allemagne et même en France recommandent à la confiance du public savant, ne tardera pas à être en mesure de lui offrir sa science comme définitive. Devant un pareil succès, que deviendrait la théologie catholique, sinon une école de pure éloquence ? Il est donc grand temps qu’elle se mette derechef à l’œuvre, non plus à l’œuvre brillante et facile des lieux-communs oratoires, mais à l’œuvre laborieuse et ingrate des recherches d’érudition et des collations de textes. Voici, avec leurs solutions scientifiques, les problèmes que nous nous permettons de soumettre à la sagacité de ses docteurs, parce que ce sont précisément ceux sur lesquels la science de nos jours a répandu le plus de lumières.

En premier lieu, l’étude comparée des religions aboutit à une définition identique des mythes, des légendes et des symboles, et à