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et métaphysiques, mais qui paraît avoir surtout le goût des affaires, de la haute administration et de la politique, bien qu’il ait passé sa jeunesse dans le commerce des doctrines mystiques recueillies sous le nom de Denys l’aréopagite. Sa manière de défendre et d’enseigner la religion n’a aucun des caractères d’une polémique passionnée ou d’une critique savante ; le christianisme s’y abrite habilement sous le prestige du spiritualisme, l’autorité du dogme, que Bossuet aimait tant à montrer, s’y efface devant la beauté morale et la nécessité sociale de la doctrine : c’est l’idéal du genre à l’époque où nous vivons.

Le père Hyacinthe, dont l’archevêque de Paris semble le guide, sinon l’inspirateur, de concert avec Victor Cousin, développe la même thèse avec un grand éclat d’imagination, avec une certaine puissance de logique, et aussi parfois avec certains élans de fougue libérale et démocratique qui seraient peut-être moins du goût de ses patrons. Dans cette chaire de Notre-Dame autour de laquelle se presse l’élite de la société parisienne, attirée autant par la curiosité que par la foi, la théologie fait place à la philosophie proprement dite. Une année, l’éloquent prédicateur expose et réfute les doctrines qui mettent en péril la personnalité de Dieu. Une autre année, il expose et réfute les doctrines qui tendent à séparer la morale et la théodicée. Une troisième, il fait un cours de morale domestique, exactement comme le ferait un professeur de lycée, sauf l’ampleur des développemens oratoires et de temps en temps l’emploi de formules mystiques qui ne le dispensent pas des raisons psychologiques ou historiques. Tout cela est fort goûté de son auditoire chrétien, excepté des catholiques du Monde, qui assistent muets et tristes à cette philosophique éloquence si différente de la parole des Bourdaloue et des Bossuet et de la pensée des Pascal. S’il se trouve par hasard un libre penseur, savant et critique, caché dans un coin de la vaste cathédrale, il pourrait trouver que cette prédication, plus riche encore en images poétiques et en mouvemens d’éloquence qu’en analyses exactes et en démonstrations rigoureuses, n’est pas une discussion vraiment philosophique des problèmes abstraits, subtils, difficiles à saisir, que le prédicateur prétend résoudre. Il pourrait trouver que ni le lieu, ni le temps, ni l’auditoire, ni le professeur, ne conviennent à la discussion de telles questions et à l’éclaircissement de telles difficultés. Qu’il soit possible d’enseigner la morale dans une chaire religieuse à une nombreuse assemblée de fidèles, le père Hyacinthe l’a prouvé, après Bourdaloue, Massillon et tant d’autres, dans ses conférences sur la famille; mais qu’on puisse scientifiquement et utilement discuter devant un pareil auditoire la question de savoir si l’absolue perfection à laquelle on a toujours donné le nom de Dieu est autre chose que l’idéal de la pensée, la