Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la seconde, objet des sciences dynamiques. Je signalerai en outre sur l’esthétique des sciences un chapitre original, qui contient sur le rôle des nombres et de la forme dans la nature des vues ingénieuses et neuves que toute philosophie, sans distinction d’école, peut mettre à profit.

Dans les Problèmes de la Vie, nous voyons, comme dans les Problèmes de la Nature, une tendance de l’auteur vers ce que j’appelle les doctrines unitaires, et en même temps un esprit de circonspection qui s’arrête devant le conjectural et l’arbitraire. C’est ainsi que, si peu partisan qu’il soit de l’animisme et même du vitalisme, il se refuse cependant à admettre que tous les phénomènes de la vie puissent s’expliquer par des agens physico-chimiques; c’est ainsi que, très peu disposé à accepter une intervention surnaturelle, et tout en inclinant à croire que la vie a pu commencer naturellement, il n’hésite cependant pas à reconnaître qu’il n’y a pas jusqu’à présent un fait démontré de génération spontanée, et que tous les argumens qui ont été donnés jusqu’ici en faveur de cette thèse ont succombé devant l’expérience.

Puisque nous rencontrons ici cette question, qu’il nous soit permis de dire qu’on y a peut-être attaché trop d’importance; nous-même, dans notre travail sur le Matérialisme contemporain, nous avons donné dans cet écueil. En définitive, il importe assez peu que l’on établisse que dans l’état actuel des choses il n’y a point d’être vivant qui ne sorte d’un germe préexistant. Ce n’est pas cet état actuel qui intéresse le philosophe, c’est l’origine des êtres vivans qui est pour lui le problème. C’est pour résoudre ce problème qu’il interroge avec anxiété toutes les sciences. Or il paraît bien établi que la vie n’a pas toujours existé sur le globe; tout porte à croire, et sur ce point l’hypothèse de Laplace est conforme à toutes les données de la géologie, que le globe terrestre a passé par un état incandescent, absolument impropre à la vie. Lors donc que la vie est apparue sur le globe, elle ne venait point de germes préexistans, puisque de tels germes n’auraient pu subsister dans une température qui dépassait tout ce que nous pouvons produire par nos moyens artificiels. En supposant contre toute analogie et toute expérience que certaines espèces inconnues pussent vivre à des températures démesurées, on ne pourrait l’affirmer des espèces que nous connaissons. On est donc forcé, quoi qu’on fasse, de reconnaître qu’à un moment donné la vie a pu naître sans germes, c’est-à-dire qu’une première organisation s’est formée spontanément avec des élémens inorganiques. On dira que c’était là une création et non une génération; mais ce n’est là qu’une interprétation. En lui-même, le phénomène n’a pu être autre chose que ce que nous appellerions aujourd’hui une génération spontanée. Si un tel phénomène se produisait aujourd’hui, on pourrait tout aussi bien l’expliquer par l’acte créateur que le phénomène primitif. Sans doute il pourrait être très important au point de vue scientifique, pour écarter à la fois et l’hypothèse surnaturaliste et l’hypothèse matérialiste, de prouver que la vie