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La grande préoccupation des États-Unis aujourd’hui, c’est le choix d’un nouveau président. Tout se dispose pour l’élection qui doit avoir lieu au mois de novembre. Le mouvement est déjà commencé, les partis sont à l’œuvre, et le choix qui sera fait a certainement dans la situation où se trouvent les États-Unis une gravité exceptionnelle, car il s’agit d’effacer les dernières traces de la guerre civile, d’assurer les grands résultats de la victoire du nord sans froisser trop vivement le sud dans ses droits et dans ses intérêts. Quel sera l’élu du suffrage populaire ? Il y a depuis longtemps un candidat désigné, c’est le pacificateur de l’Union, le vainqueur de Richmond, le général Grant. Celui-là ne se compromettra point par ses discours et ses manifestations ; il n’écrit guère et il parle encore moins. C’est un taciturne qui ne paraît pas avoir pris ses grades en politique. Il ne s’est engagé jusqu’ici avec aucun parti, et même dans la lutte de M. Johnson avec le congrès il est resté assez volontiers neutre. Sa plus claire profession de foi est qu’il sera le serviteur du peuple. Ce n’est pas par l’éclat de son talent politique que le général Grant a beaucoup de chances ; mais il a pour lui son prestige militaire, son renom de soldat heureux, sa position exceptionnelle, et il vient d’être adopté par le parti républicain, qui a toute la puissance d’un parti victorieux depuis la fin de la sécession ; il a été unanimement proclamé par la convention qui s’est réunie à Chicago pour choisir un candidat et tracer le programme de la future présidence républicaine. Le général Grant a accepté candidature et programme en termes brefs comme un ordre du jour, et son acceptation a été saluée avec enthousiasme. Il reste à savoir si, en devenant le candidat spécial d’un parti, en se voyant obligé de se prononcer pour un programme déterminé, le général Grant ne perd pas un peu de la position qu’il avait su garder jusqu’à présent, et si le parti démocrate, qui, malgré ses cruelles défaites, ne se tient pas pour battu, ne va pas lui susciter une concurrence dangereuse. Ce parti en effet ne semble nullement disposé à déserter la lutte. Il a son candidat, il en a même deux. L’un de ces candidats est M. Pendleton, avocat à Cincinnati, homme de talent et d’un certain prestige, mais qui a sans doute fort peu de chances, car il représente le vieux parti démocrate d’avant la sécession, la fraction de ce parti qui n’a rien appris ni rien oublié.

Une autre candidature probablement plus sérieuse est celle du chief-justice des États-Unis, M. Chase, dont l’avènement répondrait aux vœux de la fraction démocrate qui, sans revenir sur le passé, accepte les résultats essentiels de la guerre. Le programme de M. Chase consisterait à replacer le plus promptement possible les états du sud dans la position où ils étaient avant la sécession, sans toucher, bien entendu, à l’abolition de l’esclavage pas plus qu’à l’égalité du suffrage entre les blancs et les noirs, et le premier acte de sa présidence serait une amnistie générale. Maintenant quel sera le candidat définitivement choisi par le parti dé-