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En Suisse, les lois sur la chasse varient suivant les cantons, mais dans la plupart, notamment dans celui de Vaud, l’état se considère comme propriétaire du gibier, et vend aux particuliers des permis qui leur confèrent le droit de chasser où bon leur semble, sauf dans les propriétés closes de murs ou dans un certain périmètre autour des habitations, depuis le 1er  septembre jusqu’au 31 décembre[1]. Pendant le reste du temps, il est interdit aux habitans de sortir avec un fusil. Ainsi un propriétaire n’a pas le droit de tuer un renard qui vient manger ses poules, et voit pendant la période de chasse ses champs, ses vignes et ses bois envahis par des gens souvent peu respectables, sans avoir contre eux d’autre recours que celui de faire constater par le garde champêtre les dégâts qu’ils peuvent commettre. Cette loi est du reste une loi de réaction. Le canton de Vaud était autrefois soumis à celui de Berne, dont les seigneurs s’étaient réservé le droit de chasser partout sur les terres des paysans. En 1804, ceux-ci prirent leur revanche en s’arrogeant le même privilège. Il en est résulté la destruction presque absolue des oiseaux insectivores et par suite des invasions de chenilles dont l’agriculture a eu beaucoup à souffrir.

En Allemagne, les grands propriétaires et surtout les seigneurs se sont toujours distingués par leur passion pour la chasse, et ont cherché à maintenir leurs prérogatives en cette matière. C’est ainsi qu’ils s’étaient arrogé le droit de chasser librement sur les terres possédées par les paysans sans payer à ceux-ci aucune indemnité pour les dégâts causés par le gibier. Il a fallu la bourrasque démocratique de 1848 pour faire disparaître ces privilèges exorbitans. Toutes les lois promulguées à cette époque dans les différens pays de l’Allemagne étaient, comme celle de 1790 en France, basées sur le principe que le droit de chasser sur un domaine quelconque appartient au propriétaire, et que nul ne peut y chasser sans le consentement de celui-ci. Sous ce rapport, l’année 1848 a donc été pour l’Allemagne ce qu’avait été pour la France la fameuse nuit du 4 août ; mais, l’orage passé et la révolution étouffée, les anciens abus ne tardèrent point à relever la tête. Ne craignant plus pour leur existence, les gouvernemens n’hésitèrent pas à donner satisfaction aux réclamations passionnées des grands propriétaires, et, par les lois qu’ils promulguèrent dès 1850, à revenir sur les concessions qui leur avaient été arrachées.

En Saxe, par exemple, le gibier appartient à’ l’état, qui loue le droit de le tuer, quand ce droit n’a pas été entièrement ou partiel-

  1. Le prix de ces permis est de 10 francs pour un chasseur sans chien, 20 fr. pour un chasseur avec un chien, 40 fr, pour un chasseur avec 2 ou 3 chiens, 200 fr. pour un chasseur avec plus de 3 chiens.