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bres. Il n’en est pas de même avec le lapin, dont la dent meurtrière ne s’attaque pas seulement aux jeunes pousses, mais ronge l’écorce au pied, et, rendant impossible l’ascension de la sève, amène le dépérissement de la plante. Avec lui, les plantations deviennent impossibles à moins qu’on ne les entoure d’un entreillagement qui les protège, et qui coûte fort cher à établir. Le lapin se multiplie avec une rapidité effrayante, car on a calculé qu’un couple abandonné à lui-même pouvait en une seule année donner naissance à l,848 lapins. Aussi faut-il être constamment sur ses gardes pour empêcher une multiplication excessive, sous peine de voir sa forêt entièrement ruinée. C’est pour ce motif que l’empereur a ordonné, il y a quelques années, la destruction radicale de tous les lapins existans dans les forêts de la liste civile ; mais ses ordres restèrent à peu près une lettre morte aussi bien que ceux de Louis XIV, qui avait déjà prescrit la même mesure.

Ce que nous venons de dire suffit pour donner une idée générale de la chasse en France. Elle peut s’exercer de bien des façons, et depuis celui qui consacre 60 ou 80,000 fr. à l’entretien d’un équipage jusqu’à celui qui n’a d’autres frais que son port d’armes et la nourriture de son chien d’arrêt, elle passionne également tous ceux qui s’y livrent. Dans les forêts domaniales, la chasse est louée par adjudication pour neuf années au prix de 830,000 fr. On loue également la plus grande partie des forêts communales et les forêts particulières dont la chasse n’est pas réservée par le propriétaire. Pour la plaine, il arrive souvent que les cultivateurs s’entendent afin de chasser réciproquement les uns chez les autres, ou qu’ils abandonnent volontairement leur droit à la commune, qui l’afferme à son profit. Le nombre de ceux qui prennent annuellement des permis est de 300,000 ; le nombre de ceux qui s’en passent est de 500,000, ce qui fait en tout 800,000 chasseurs. En estimant en moyenne à 50 fr. la valeur du gibier tué par chacun d’eux, on arrive au chiffre de 40 millions. Tel est du moins le résultat utile et matériel ; mais le plaisir peut-il se chiffrer ?


III.

Il nous reste à examiner la législation qui nous régit, à la comparer à celle de quelques autres pays et à apprécier l’influence qu’elle exerce sur la production du gibier. Nous avons dit que la loi de 1790, qui est restée en vigueur jusqu’en 1844, considérait la chasse comme un accessoire de la propriété, et permettait à chacun de la pratiquer sur ses terres en toute saison, avec toute espèce d’engins, sauf pendant le temps où la terre était couverte de ses