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un arrêt la présence du gibier jusqu’à ce que l’on soit à portée de le tirer. Pour façonner le chien à ce service, il a fallu vaincre tous ses instincts, qui le portaient à s’élancer sur l’animal au lieu de rester immobile en le fixant. Chassant pour son. maître et non pour lui, il est une création artificielle qu’il serait difficile de comprendre, si l’on ne se rappelait que l’action du dressage se fait sentir non-seulement sur les individus qui y sont soumis, mais encore sur tous ceux qui descendent d’eux. C’est ainsi que se sont formées les races de chiens d’arrêt, dont les principales sont en France le braque, l’épagneul et le grillon ; ces races sont excellentes, et l’on a eu bien tort de chercher à les améliorer par le mélange du sang anglais. Les chiens anglais, surtout les pointers, sont parfaitement appropriés aux giboyeux tirés de leur pays, mais ils ne conviennent pas aux contrées comme la France, où il faut que le chien quête avec soin et patience, et cherche le gibier tué dans les broussailles ou dans les rivières pour le rapporter au chasseur.

À ces différentes espèces de chasse, on doit ajouter celle du marais, que préfèrent les vrais amateurs. Malheureusement elle est aussi la plus redoutable pour la santé, car il est rare qu’un chasseur au marais ne soit pas de très bonne heure perclus de rhumatismes. Pendant l’hiver, les canards sauvages et autres oiseaux d’eau viennent s’abattre sur les étangs en fuyant les froids du nord ; c’est là qu’il faut aller les surprendre en bateau ou les attendre à l’affût dans une cabane de feuillage ouverte à tous les vents. On se sert pour les attirer de canards domestiques dont la présence sur un étang décide les autres à venir s’y poser. Quant aux bécassines, il faut se mettre soi-même à l’eau, et, aidé de son chien, fouiller les touffes de roseaux, où elles se réfugient d’habitude, jusqu’à ce qu’on parvienne à les faire lever. Les beaux temps de la chasse au marais sont passés en France ; le drainage a transformé les mares en prairies et les étangs en champs d’avoine ; des usines ont remplacé les rideaux d’arbres qui ombrageaient la plaine, des bateaux à vapeur parcourent les fleuves et les rivières jadis solitaires, mille bruits divers se font entendre là où régnaient le calme et le silence, et avertissent sans cesse les animaux sauvages que l’homme est proche et que leur place est prise.

Dans quelques grandes propriétés, on ne se contente pas du gibier qui s’y développe spontanément, on a établi des faisanderies destinées à l’élève du faisan et des perdrix. Le faisan a besoin, pour se plaire dans une région, de taillis où il se réfugie pendant le jour, et d’arbres de fortes dimensions où il se branche la nuit dans le voisinage des plaines cultivées ; il est très régulier dans ses habitudes. Chaque matin, en tirant sa tête de dessous son aile, il salue