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courans, par Leverrier de la Conterie, les Ruses du braconnage mises à découvert, par l’ancien braconnier Labruyerre, le Traité de vénerie de d’Yauville. C’est aussi à cette époque que Desportes et Oudry, peintres de chasses, furent chargés de la décoration des principaux palais.

Ce n’étaient pas seulement les rois qui s’adonnaient à la chasse, les principaux seigneurs les imitaient et parfois les dépassaient dans le luxe de leurs équipages. Tels étaient parmi beaucoup d’autres les ducs d’Orléans, le duc du Maine, le comte de Toulouse, le maréchal de Brézé et surtout les princes de Condé. Retiré à Chantilly dans un lieu exceptionnellement favorable à ce genre de plaisir, le grand Condé organisa ses équipages, qui jouirent bientôt d’une réputation méritée. Son arrière-petit-fils Louis-Henri de Bourbon fit construire ces magnifiques écuries qui pouvaient contenir 250 chiens et 240 chevaux, et qui font encore l’admiration de tous les visiteurs. — Son fils Louis-Joseph, prince de Condé, marcha sur les traces de ses pères. Ses capitaineries, qui entouraient sa résidence, embrassaient un circuit de plus de 120 kilomètres où le gibier se multipliait en quantité considérable, car on voit dans son journal des chasses que dans l’espace de trente et un ans on avait tué dans ce domaine 924,717 pièces de gibier. Ses meutes, moins nombreuses que celles du roi, passaient pour être mieux choisies et composées de chiens d’un ordre plus parfait. Le maître lui-même, excellent veneur, faisait souvent le bois en personne, et s’occupait de peupler ses forêts d’animaux rares que l’on commençait par acclimater dans la ménagerie. C’est de là que viennent les. cerfs à nez blanc qu’on rencontre encore dans la forêt de Chantilly.

Dans toutes ces chasses, on attachait une grande importance au cérémonial, et toutes les péripéties étaient réglées avec un soin minutieux. Ainsi, lorsqu’un animal était détourné, le chef d’équipage devait, au moment du rapport, en présenter sur son chapeau les fumées au roi, afin que ce dernier pût juger par lui-même les appréciations des piqueurs. Lorsque les veneurs se disposaient à frapper aux brisées pour laisser courre, l’usage voulait que le commandant de la vénerie offrît au maître et aux personnages des bâtons de coudrier ou de châtaignier, dont les cavaliers se servaient pour écarter les branches qui pouvaient les gêner dans leur course ; mais c’étaient surtout les honneurs du pied et la curée qui étaient accompagnés de formes traditionnelles aussi bizarres que cruelles. Lorsqu’un animal était forcé, le maître d’équipage lui enlevait un pied et le présentait soit à son maître, soit à la personne de l’assistance qu’on voulait particulièrement honorer. La curée se faisait soit par le chef d’équipage, soit par tout autre gentilhomme aux