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Tout ce livre est écrit avec l’autorité d’un maître et l’expérience d’un observateur judicieux.

Un des rois qui montrèrent la plus vive et la plus constante passion pour la chasse fut Louis XI. Il y courait dès que les affaires lui laissaient un instant de loisir, et, lorsque l’âge l’eut rendu impotent, il se récréait à voir dans sa chambre ses chiens poursuivre les souris qu’il lâchait devant eux. C’est cette passion, autant que le désir de se rendre populaire, qui le porta à attaquer les privilèges de la noblesse en l’empêchant de chasser sur ses propres domaines, en faisant détruire les engins et les filets partout où il put les saisir. Toute la noblesse, exaspérée de cette atteinte à ses droits les plus chers, courut aux armes, et sous le nom de ligue du bien public fit une levée de boucliers devant laquelle le roi dut plier, du moins en apparence. Après la mort de Louis XI, les nobles réclamèrent avec énergie les prérogatives dont ils avaient été dépouillés. Charles VIII les leur rendit momentanément ; mais ses successeurs ne tardèrent pas à les leur retirer de nouveau. Ce fut en effet sous les Valois qu’e s’introduisit presque clandestinement dans la jurisprudence cet axiome, que le droit de chasse est un des attributs de la royauté, et que les sujets ne doivent en jouir qu’avec l’agrément du souverain, qui peut le restreindre à son gré. François Ier et ses successeurs admirent ce principe comme une chose parfaitement reconnue, mais afin d’éviter toute réclamation ils affectèrent en même temps de n’user de ce droit que pour en réserver l’exercice aux possesseurs de fiefs, à l’exclusion des roturiers et des artisans. Ils instituèrent aussi les capitaineries ou districts de chasse qui leur étaient spécialement affectés, et qui plus tard donnèrent lieu à des abus sur lesquels nous aurons à revenir dans cette étude.

En vertu des diverses ordonnances rendues à cette époque, la chasse était donc exclusivement réservée aux nobles ; encore ceux d’entre eux qui ne possédaient ni justice ni fief ne pouvaient-ils s’y livrer que dans l’enclos de leurs résidences. L’édit de 1515 punissait les infractions à cette disposition d’une amende arbitraire ; celui de 1581 allait plus loin encore et prononçait la peine de la hart contre « les non-nobles et roturiers qui osaient contrevenir aux ordonnances, s’entremettre du fait des chasses en aucune sorte que ce soit, et tenir furets ou autres engins quelconques servant au fait des dites chasses. » La peine de mort pour les délits de cette nature, qui du reste ne se retrouve plus dans l’ordonnance de 1669, avait été jugée nécessaire afin d’arrêter le développement énorme qu’avait pris le braconnage à la suite des guerres civiles auxquelles la France avait été en proie. Des troupes d’hommes armés envahis-