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çant surtout au point de vue économique, nous examinerons si la législation actuelle est en harmonie avec les mœurs et les idées de notre époque, ou si elle n’est pas un reste du régime féodal dont il importe de nous affranchir.


I.

La chasse a été en quelque sorte le point de départ de la civilisation dans le monde. C’est à elle que l’homme dut dans l’origine demander sa nourriture, et c’est à chercher les moyens de se défendre contre les animaux sauvages qu’il appliqua tout d’abord son intelligence. Quand il eut triomphé des ennemis qui lui disputaient sa place, et que la culture eut assuré sa subsistance, la chasse n’en demeura pas moins pour lui un des plaisirs les plus vifs. Cela tient à ce qu’elle répond à l’un des instincts les plus profonds de notre nature, le désir d’exercer notre puissance sur ce qui nous entoure et d’employer à la satisfaction de nos besoins tout ce qui est à notre portée. Au charme de l’imprévu, elle joint celui de la difficulté vaincue et parfois l’attrait du danger ; elle met en œuvre celles de nos facultés qui sont nécessaires pour triompher des obstacles qu’on peut rencontrer, la patience, l’observation, la décision, le courage ; enfin, d’après Pascal, elle répond au besoin de distraction et de mouvement qu’éprouve l’homme, et sans lequel il ne pourrait échapper à la tristesse de sa destinée.

Si avec M. Dunoyer de Noirmont nous recherchons les origines de la chasse, nous voyons en effet dès la plus haute antiquité tous les peuples s’y adonner, sauf cependant les Hébreux, qui, ayant la chair du gibier en horreur, se bornèrent à défendre leurs troupeaux contre les bêtes féroces. Par contre, les Égyptiens chassaient le bouquetin, l’antilope, le chacal, l’hyène, au moyen de panneaux et de flèches ; les Assyriens s’attaquaient aux lions, aux taureaux sauvages, aux sangliers, et les Grecs, qui attachaient tant de prix au développement des forces corporelles, honorèrent la chasse au point de la diviniser dans les personnes de Diane, d’Apollon et d’une foule de héros mythologiques. Xénophon a écrit le premier traité de chasse connu, la Cynégétique. Suivant lui, le chasseur doit être âgé d’environ vingt ans, avoir un corps souple et un courage à l’épreuve ; son éducation doit commencer au sortir de l’enfance et avant toute autre étude. Les Grecs chassaient à pied ; leurs engins étaient des filets de toiles tendues dans lesquelles on cherchait à pousser les animaux à l’aide de chiens. Ce ne fut que plus tard qu’ils se servirent de chiens courans capables de prendre le gibier à la course.