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qui président à deux ordres de nutrition distincts. L’ancienne vésicule germinative, qui a été découverte par Purjinke, sert au développement de l’œuf lui-même; aussi disparaît-elle dès que l’œuf est arrivé à maturité et s’est développé complètement. L’autre, la vésicule de M. Balbiani, prépare les matériaux évolutifs du nouvel être. Elle persiste donc quand la vésicule de Purjinke a disparu, et elle accompagne l’être nouveau dans son évolution.

La physiologie a pu jeter quelque lumière sur les premiers et mystérieux mouvemens de l’^embryon. Elle a vu la matière granuleuse destinée à la formation de l’être se séparer en segmens sphéroïdaux sans structure apparente, puis chacun de ces segmens homogènes se convertir en vésicule par coagulation de la couche superficielle. Toutes ces vésicules naissantes, d’abord indépendantes les unes des autres, se rangent par ordre, se multiplient par scission à la manière des organismes inférieurs, et arrivent à constituer la toile cellulaire qui va se transformer en embryon. Dans le principe et pendant quelque temps, cette toile n’a aucune trace d’appareil spécial. Le cœur paraît le premier; c’est un petit point animé de mouvemens d’abord rares et à peine perceptibles. Peu à peu ces mouvemens s’accusent plus nettement; alors apparaissent les rudimens d’un appareil circulatoire, puis ceux des autres organes de l’animal. Rien n’est curieux comme d’assister à ces premières évolutions embryonnaires. Si par exemple on regarde naître le cœur d’un poulet, on voit d’abord une simple vésicule semblable à l’organisme élémentaire d’un infusoire. Peu à peu la vésicule s’allonge et constitue un véritable ventricule pourvu d’une aorte à plusieurs branches de manière à représenter exactement le cœur d’un poisson. Plus tard, le ventricule se renverse en se tordant et se divise en trois cavités; c’est alors un cœur de reptile. Enfin le mouvement s’achève, et l’organe définitivement constitué apparaît avec les quatre cavités (deux oreillettes et deux ventricules) qui sont propres aux oiseaux et aux mammifères. On voit ainsi un organe traverser, sans s’y arrêter, des formes qui demeurent définitives pour des organismes inférieurs. Ces faits et d’autres du même genre ont amené certains physiologistes à cette doctrine, que l’évolution entière par laquelle ont passé les séries animales se reflète et se retrouve dans l’évolution embryonnaire de chaque être. Cette théorie, née en Allemagne, a trouvé en France d’habiles défenseurs. C’est là une des vues les plus saisissantes auxquelles puisse s’élever la physiologie; c’est une sorte de sommet philosophique d’où l’esprit embrasse l’origine de toutes les questions qui se rapportent aux phénomènes de la vie.

Au point de vue pratique et expérimental, il est naturel de se