Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte l’eau, l’air, les alimens, et reçoit les résidus de la nutrition. M. Claude Bernard a depuis longues années insisté dans son enseignement sur le rôle du sang considéré comme milieu intérieur. Ce qui importe à ce point de vue dans l’étude du sang, c’est l’examen des conditions d’existence qu’il doit fournir aux divers élémens du corps. Tous les élémens anatomiques vivent dans ce liquide nourricier comme des poissons ou des polypes dans la mer, y trouvent tout ce qui leur est nécessaire et parfois aussi ce qui peut leur nuire. Le milieu intérieur doit être liquide. L’humidité est une des conditions d’existence des organismes élémentaires. Sans eau, ils s’éteignent, ou tout au moins sommeillent, comme on l’a vu pour certaines graines et certains infusoires. Composés de petits organismes aquatiques, c’est par un artifice de construction que nous vivons dans l’air sec. La température du milieu intérieur exerce une influence prépondérante sur les fonctions des élémens. De là les différences fondamentales qui existent entre les animaux dits à sang froid, dont le milieu intérieur suit les vicissitudes de la température ambiante, et les animaux à sang chaud, dont le milieu se maintient à une température à peu près constante malgré les variations de l’atmosphère. Les premiers s’engourdissent pendant l’hiver pour se réveiller l’été. Quant aux seconds, leurs élémens, enfermés en quelque sorte dans une serre chaude, se prêtent à une activité continue à peu près indépendante des saisons. On sait que la température fixe des animaux à sang chaud est de 38 degrés environ pour les mammifères, et de 42 degrés environ pour les oiseaux. On a fait de nombreuses expériences pour déterminer les limites extrêmes de température entre lesquelles la vie reste possible. Placés dans des étuves à 60, 80, 100 degrés même, les animaux supportent pendant quelque temps cette température élevée, puis ils meurent brusquement. On constate qu’à ce moment leur température intérieure s’est élevée de 5 degrés à peu près. On peut donc supposer que lorsque le sang a atteint la température de 43 degrés chez les mammifères, de 47 degrés chez les oiseaux, certains élémens histologiques se modifient brusquement, de façon à devenir impropres à la vie. M. Claude Bernard, continuant des études commencées par Magendie, a été conduit à penser que dans ce cas la mort est due à une coagulation de la matière musculaire qui en détruit la contractilité; le cœur s’arrête, et la circulation cesse avant la respiration. L’influence du froid paraît moindre que celle de la chaleur, et le sang supporte plus facilement l’abaissement que l’élévation de température.

En considérant le sang comme le milieu intérieur dans lequel vivent les élémens anatomiques, on est amené à tenir compte de la pression qu’il exerce sur eux. Que le sang ait une certaine tension