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étude scientifique, dit M. Claude Bernard, il ne faut pas vouloir identifier les phénomènes, il faut bien distinguer la généralisation, qui simplifie et éclaire, de l’uniformisation, qui confond et embrouille. » Soit, il est évidemment dangereux de chercher à tout prix l’identité et de forcer les faits à entrer, bon gré, mal gré, dans un cadre unique; il y a tout intérêt à mettre en saillie les variétés phénoménales, et c’est là sans doute une des conditions du progrès; mais il y a un intérêt aussi évident à rechercher ce qui est identique dans deux phénomènes différens afin de réduire la différence à ce qu’elle a d’essentiel. Sous cette réserve, il est impossible de méconnaître la grande loi qu’énonce M. Claude Bernard quand il dit que les différences des élémens physiologiques se multiplient à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des êtres. Chez les animaux tout à fait inférieurs, les systèmes musculaires et nerveux sont confondus. A un degré plus avancé, ils se séparent et l’on peut suivre les progrès de ce divorce; de même pour les élémens nerveux. On a constaté chez un petit coléoptère, le dytique, des ganglions dont la face supérieure donne lieu à des mouvemens sans provoquer de douleur, et dont la face inférieure manifeste, quand on l’excite, une vive sensibilité. On voit donc là les deux systèmes, moteur et sensitif, à la fois confondus et près de se séparer. Parmi les êtres supérieurs, les fonctions nerveuses vont certainement en se spécialisant. M. Claude Bernard signale à cet égard des différences marquées entre les diverses races de chevaux et de chiens, et il ajoute que, pour lui, ce qu’on appelle ordinairement le sang dans les races animales réside dans les propriétés du système nerveux. Que la distinction essentielle soit dans les propriétés mêmes ou seulement dans les fonctions des nerfs, il est certain que la physiologie trouve dans l’étude de ces dissemblances un vaste champ d’essais à poursuivre.

Quoi qu’il en soit de ces débats, qui ont, comme il arrive d’ordinaire, apporté à la science une moisson féconde d’expériences, la physiologie contemporaine suit assez nettement dans ses parties principales le jeu des systèmes musculaire et nerveux. A travers la complexité des mécanismes vitaux, elle reconnaît toujours quatre termes: un élément nerveux sensitif, un élément central ou cellule nerveuse, un élément nerveux moteur, un élément contractile ou musculaire. L’élément sensitif reçoit les impressions, soit qu’elles viennent du dehors, soit qu’elles naissent dans le corps même. Il les transmet à la cellule centrale, où, dans le cas de sensibilité inconsciente, l’action sensitive est comme transformée ou réfléchie en action motrice pour aller agir sur le muscle. C’est pourquoi on appelle ces mouvemens involontaires des actions réflexes. Dans les animaux vertébrés, la plus grande partie des cellules centrales est