étendues boisées furent destinées à l’usage spécial du roi et de ses officiers. Ces cantons, appelés foresta, furent peuplés, en vue de la chasse, de toute sorte de bêtes fauves qu’il était défendu de détruire. Ces domaines finirent par tomber aux mains des seigneurs et des principaux usagers ; ce fut là l’origine de tous les abus. Les concessions de forêts accordées par les rois à des particuliers furent dans le principe très peu nombreuses, elles ne furent d’abord obtenues que par les églises et les monastères ; mais les privilèges se multiplièrent et avec eux les démembremens des bois. Les droits d’usage concédés par les seigneurs dégénérèrent si bien que Philippe de Valois, par sa première ordonnance de 1348, déclara qu’il n’en serait plus accordé ; mais l’on comprend combien devait être difficile l’application d’une loi qui, vu le morcellement de la France, ne pouvait être générale. Chaque seigneur établit dans ses propriétés une police spéciale de droits d’usage, et les attributions des premiers maîtres forestiers indiquées par les ordonnances de Philippe-Auguste ne furent nettement déterminées que beaucoup plus tard. Ces maîtres forestiers furent du reste les premiers à abuser des droits que leur conférait leur charge. Les usagers confondaient sciemment le bois mort, qu’on leur permettait de prendre, avec le bois vert, qui ne leur appartenait pas ; or ces usagers, gros et petits, se comptaient par milliers pour chaque forêt. À ces dévastateurs plus ou moins autorisés se joignaient les paysans, qui, pour se venger des violences des nobles, s’en prenaient aux forêts, source éternelle de vexations fiscales. Une guerre sourde et continue fut déclarée à toute végétation forestière. C’est alors que les règlemens faits aux XIVe et XVe siècles furent repris, étendus et promulgués de nouveau par François Ier de 1518 à 1543. Le bois mort fut nettement défini, les coupes de bois furent défendues même aux évêques et aux archevêques, et c’est de ce roi que date véritablement l’établissement d’une juridiction générale. Toutes ces mesures demeurèrent cependant encore insuffisantes. Ce fut par l’ordonnance de 1669 que Colbert reconstitua sur des bases meilleures la propriété forestière de la France. Pendant huit ans, vingt et un commissaires parcoururent toutes les forêts du royaume, et la réforme administrative avait été annoncée dès 1667 par la réorganisation complète du personnel des eaux et forêts. Le mal toutefois ne fut qu’enrayé. Les abus auxquels la nouvelle législation promettait de mettre un terme étaient si anciens que les usurpateurs se prétendirent injustement dépouillés ; des résistances passionnées se manifestèrent jusqu’au sein des parlemens. La révolution plus tard augmenta le désordre. Les paysans et surtout les montagnards profitèrent de l’anarchie pour détruire inconsidérément les bois domaniaux en haine de leurs anciens maîtres, et la France aujourd’hui encore attend le reboisement de son sol, trop longtemps dévasté.
ÉD. GRIMARD
L. BULOZ.