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L’enfantement a été laborieux. Il n’a fallu rien moins que vingt-deux scrutins pour arriver, à mettre au monde un candidat. M. Chase a disparu du premier coup. Le président actuel, M. Johnson, a eu lui-même quelques voix et s’est bientôt éclipsé. M. Pendleton, de l’ouest, a tenu la tête pendant nombre de scrutins, puis est resté en chemin, et a laissé passer devant lui le général Hancock. Nul ne pouvait atteindre le terrible chiffre des deux tiers des voix, lorsqu’à bout de tout, au vingt-deuxième scrutin, sur la proposition d’un représentant de l’Ohio, on a fini par se rejeter sur un candidat dont le nom n’avait pas été prononcé encore, et ce candidat est M. Horatio Seymour, qui a été dès ce moment acclamé d’une voix unanime. M. Horatio Seymour a fait des façons pour accepter ; il a bientôt cédé, d’autant plus que tout ce mouvement de scrutins inutiles n’était peut-être qu’une habile mise en scène pour en venir là. C’est assurément un personnage considérable, qui n’en est pas à prendre un rôle dans la vie publique aux États-Unis, qui a été plusieurs fois gouverneur de New-York et notamment pendant la sécession. Malheureusement M. Horatio Seymour est un ennemi pour le nord et pour toutes les idées qui ont triomphé par les armes il y a quelques années. M. Chase eût offert quelques garanties au sud sans menacer le nord ; M. Horatio Seymour est un adversaire déclaré du parti républicain. Son élection serait considérée à peu près comme une victoire des partisans de l’esclavage, de ce qu’on appelle encore avec mépris les esclavagistes. Par lui, le parti démocrate rentrerait au pouvoir bannières déployées, c’est-à-dire que tout serait remis en question. Et voilà comment, sans le savoir la convention démocratique de New-York pourrait bien avoir travaillé au succès de la candidature du général Grant. De toute façon, les camps sont aujourd’hui bien tranchés. La lutte est engagée à fond entre ces deux noms, Grant et Horatio Seymour. C’est là ce qui va absorber les États-Unis pendant quelques mois.

Cela n’empêche pas, il est vrai, le président actuel, M. Johnson, de continuer sa petite guerre avec le congrès et le sénat de Washington. M. Andrews Johnson est vraiment un président imperturbable, décidé à ne pas laisser rouiller son pouvoir dans l’inaction ; les déconvenues ne l’effraient pas. Il arrête les bills par son veto suspensif ; on n’en tient compte, on vote de nouveau comme si rien n’était, et il recommence, au risque de se faire appeler ironiquement le président veto. Il soumet au sénat toute sorte de nominations qui ne sont pas ratifiées, et il ne se décourage pas pour si peu. Bien au contraire, on dirait que l’insuccès le met en verve. Alors il illustre la fin de sa présidence par des messages où il propose une multitude de réformes constitutionnelles ; les messages, bien entendu, sont mis aux archives. La lutte continue ainsi. Après cela, ce serait peut-être un danger pour M. Johnson de trop s’enhardir. Il n’en faudrait pas beaucoup pour faire revivre le procès intenté contre lui et suspendu plutôt que définitivement abandonné. Le congrès ne le