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premier moteur immobile ou dans l’abstraction plus difficile encore à comprendre d’un créateur qui crée sans sortir de son repos d’être parfait ? Et si les limites de l’être reculent indéfiniment devant les puissans télescopes qui nous découvrent toujours de nouveaux mondes solaires que l’analogie permet à la science de soumettre à la loi commune de l’attraction, n’est-ce point là une merveilleuse représentation de cet infini qui n’avait pu être conçu que logiquement par la pensée ? Et si enfin dans la vie universelle tout tend vers le mieux, l’atome comme le monde solaire, n’est-ce point là une démonstration de l’ordre cosmique tout autrement triomphante que les spéculations métaphysiques sur l’optimisme vague déduit des perfections de la cause suprême ? Donc, pour savoir ce qu’est cet infini, cet absolu, que l’idéalisme et le spiritualisme cherchent chacun à sa manière dans une abstraction, il semble qu’il n’y ait rien de mieux à faire que de s’adresser à la science positive. Elle nous en révèle tous les jours de plus en plus les vrais attributs, qu’il ne faut pas confondre avec les attributs que la conscience nous montre dans notre propre nature, sous peine de méconnaître la majesté de la nature divine ; elle nous en fait voir l’unité, la bonté, la sagesse, la providence, se manifestant par l’harmonieuse et progressive évolution des puissances contenues dans son sein. Oui sans doute, le spiritualisme a raison, cet infini, cet absolu n’est point une cause aveugle qui produit tout au hasard. C’est le spectacle du cosmos nous l’enseigne, la cause finale par excellence ; ce n’est pas un être bon, c’est le bien, comme le dit Platon. Ce mot est peut-être le seul de la langue des hommes qui exprime la nature, l’action, les attributs du grand être qu’elle salue du nom de Dieu. Mais cette cause est identique avec son œuvre. Dans cet être infini en tout sens, se confondent le principe, la substance et la fin des êtres finis : pour créer, il n’a point à sortir de lui-même, à descendre on ne sait comment et par quelle dégradation dans le monde du temps et de l’espace. Il crée ou plutôt il produit dans le temps et dans l’espace, au sein desquels il réside avec toutes ses manifestations ; il produit, il réalise toutes choses d’après une loi, une raison qui n’est pas distincte de sa nature. Et alors l’infini, l’absolu repose, non plus sur une abstraction logique ou psychologique, comme l’idée de Platon et de Plotin ou la pensée idéale d’Aristote, mais sur le fondement solide de l’être universel. La réalité cosmique n’est plus la dégradation continue de l’être parfait, comme l’avait rêvé l’Orient, avec la série indéfinie de ses hypostases, ni la chute graduelle suivie d’un retour progressif vers son principe, comme l’avait compris le néoplatonisme. C’est au contraire l’exaltation continue de l’être infini procédant éternellement de l’inférieur au supérieur, c’est-à-dire du simple mouvement à la vie, de la vie à la