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payassent moins d’impôts que le reste de la France[1]. » — « Le pays de Rome excite toute ma sollicitude, » écrit-il une autre fois, le 25 juillet 1810, à M. le comte de Montalivet, en mettant à sa disposition un crédit de 500,000 francs affecté à l’établissement de manufactures et à l’encouragement de la culture du coton. Il désigne en même temps une commission d’ingénieurs et d’agronomes distingués pour aller étudier sur place les moyens d’assainir et de féconder les environs de Rome et les marais pontins[2]. Après tout, la marque la plus signalée de sollicitude que l’empereur ait donnée à l’ancienne ville des papes fut encore le soin qu’il prit d’en confier l’administration au comte de Tournon, esprit sage et modéré, préfet capable et tout disposé à seconder les conciliantes intentions du général Miollis. Il suffit d’avoir passé quelques années à Rome pour se rendre compte des grands efforts tentés et des notables résultats obtenus par ces deux fonctionnaires afin de rendre l’occupation française aussi profitable que possible aux populations momentanément placées sous leurs ordres. Nulle inscription pompeuse n’a transmis à la postérité le souvenir des monumens, des routes nouvelles, des travaux de toute sorte commencés et presque achevés sous leur intelligente direction. Ainsi qu’il arrive d’ordinaire en temps de révolution, ces ouvrages furent plus tard attribués par de complaisantes dédicaces au gouvernement qui n’avait eu que le facile honneur d’y mettre tardivement la dernière main ; mais sur les lieux mêmes les administrés du général Miollis et du comte de Tournon rendaient alors complètement justice aux efficaces efforts de ces deux délégués du gouvernement impérial. C’était pour des Romains une chose toute nouvelle, et qui les remplissait d’étonnement non moins que de reconnaissance, d’avoir affaire à des administrateurs doués à la fois de tant de lumières, de tant de zèle et de tant d’honnêteté. Tout aurait donc été pour le mieux, la satisfaction eût été générale, aucun nuage ne serait venu assombrir la situation, si à Rome autant qu’ailleurs, nous nous trompons, si à Rome beaucoup plus vite et plus rudement que partout ailleurs l’empereur ne fût venu justement se heurter contre les obstacles qu’il s’était créés à lui-même par la violente séquestration du saint-père. C’était en effet au sein des provinces soumises au sceptre séculier de l’évêque de Rome que se trouvaient forcément mêlés ensemble de la façon la plus inextricable les deux pouvoirs spirituel et temporel. Dans cet ancien domaine des papes, jamais les coutumes et les mœurs des gouvernés n’avaient réagi efficacement

  1. Note dictée en conseil d’administration des finances, Paris, 22 juillet 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 529.
  2. Lettre de l’empereur au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, du 25 juillet 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 536 et 537.