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du concordat, loin d’apporter dans ses relations quotidiennes avec le saint-siège la modération indispensable au maintien d’un si laborieux accord, Napoléon s’était mis à interpréter les articles du contrat religieux passé avec le chef de la catholicité comme il avait fait de tant d’autres traités signés avec les souverains de l’Europe. Habitué à prendre partout ses avantages, aussi prompt à exiger le strict accomplissement des clauses qui lui étaient favorables que peu soucieux d’exécuter celles qui retombaient à sa charge, l’empereur avait en quelques années, conduit les choses à ce point où, plus ou moins retardée, une rupture ouverte devenait à peu près inévitable. Si, au lieu d’avoir été dirigées contre le plus faible des princes et le plus conciliant des pontifes, elles avaient atteint n’importe quel autre monarque, nul doute que des mesures aussi violentes que l’invasion successive de toutes ses provinces et l’occupation définitive de sa capitale n’eussent partout ailleurs amené un état de guerre immédiate. C’était le caractère mixte de la souveraineté pontificale qui avait empêché la querelle de dégénérer sur-le-champ en collision militaire. Pie VII, à qui Napoléon reprochait si injustement d’imiter les exemples de quelques-uns de ses ambitieux prédécesseurs, avait au contraire été pris de scrupules qui n’auraient pas arrêté un seul instant les Boniface, les Grégoire VII et les Jules II. A peine avait-il opposé une résistance purement passive aux agressions brutales de son entreprenant adversaire. Nulle part la force n’avait été employée pour repousser les envahissemens des troupes françaises ; dans aucune circonstance, Pie VII n’avait voulu que l’épée fût tirée du fourreau afin de défendre ses intérêts temporels. Il s’était contenté des plaintes doucement insérées dans ses lettres à l’empereur et des protestations officiellement émanées de la secrétairerie d’état, protestations à demi religieuses, à demi politiques, qui, bien que vives, avaient rarement dépassé les limites de son droit le plus incontestable. Aussi longtemps qu’il avait été reconnu comme souverain indépendant à Rome, le saint-père s’était abstenu de recourir à ses armes spirituelles. Il ne les avait saisies qu’à son corps défendant, quand toutes les autres lui avaient été successivement arrachées, et seulement à l’heure où l’enlèvement du drapeau pontifical, immédiatement remplacé au château Saint-Ange par les couleurs françaises, avait, au bruit des salves d’artillerie, annoncé à ses sujets et à l’Europe entière sa déchéance définitive. Chose étrange, qui serait véritablement inexplicable, si l’excès de la passion ne suffisait à tout expliquer, même les aberrations du plus éminent esprit, Napoléon avait été saisi d’autant de surprise que d’indignation quand il avait vu Pie VII, en désespoir de cause, employer pour se défendre les ressources extrêmes auxquelles il l’avait lui-même si inconsidérément réduit. Cette surprise et cette