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de Saint-George et le confesseur du roi. Ils accusent, ils s’excusent. Le vidame, plein d’ardeur, produit toutes les pièces du dossier formé par Bernard. En deux jours, la cause est entendue, et tant de faits sont allégués et prouvés à la charge de l’inquisition albigeoise qu’il demeure impossible de la justifier.

C’était au roi de conclure. Contre l’évêque d’Albi, coupable ou complice de tant de violences, Philippe le Bel ne prendra qu’une mesure comminatoire : il le condamne à 2,000 livres d’amende ; mais contre l’ancien assesseur de Nicolas d’Abbeville, le terrible Foulques de Saint-George, élu récemment inquisiteur de Toulouse, le roi veut agir d’une façon plus efficace ; il veut, suivant les conseils de Bernard, l’éloigner du théâtre de ses méfaits. Toutefois, dans l’état de ses rapports avec le pape, peut-il lui demander un service ? ou peut-il prononcer lui-même la suspension d’un inquisiteur, s’attribuant ainsi l’autorité du juge d’église, contre le code théodosien et contre les canons ? Philippe le Bel était assurément capable de beaucoup oser au détriment de l’église, n’étant pas plus dévot qu’un légiste ; mais autant qu’un légiste il était prudent. Plus d’une fois, même après avoir été personnellement offensé par des religieux, par des évêques, il feignit par prudence de pardonner l’injure. Quel que soit donc son présent dépit contre les prêcheurs, il prie les supérieurs de leur couvent principal, le couvent de Paris, de révoquer eux-mêmes Foulques de Saint-George, et en même temps il écrit à l’évêque de Toulouse, qui était à Paris, lui faisant connaître entre quelles limites doivent être, suivant lui, contenus le zèle et le pouvoir jusque-là discrétionnaire des inquisiteurs.

Nous avons cette lettre à l’évêque de Toulouse, datée de Fontainebleau 8 décembre 1301[1]. Le roi s’exprime d’abord dans les termes les plus durs sur le compte de Foulques de Saint-George : « Quand son devoir était d’extirper les erreurs et les vices, il ne s’est employé qu’à les entretenir ; sous le couvert d’une répression licite, il a osé des choses complétement illicites, sous l’apparence de la piété des choses impies et tout à fait inhumaines ; enfin, sous ce prétexte qu’il avait à défendre la foi catholique, il a commis des forfaits horribles, exécrables. » Ensuite le roi prescrit les mesures qui seront prises par l’évêque de Toulouse pour calmer le pays. Aucune arrestation ordonnée par l’inquisiteur ne sera faite désormais par les sénéchaux sans le consentement de l’évêque diocésain, et, lorsque l’évêque et l’inquisiteur seront divisés d’opinion sur l’opportunité d’une poursuite, l’examen de l’affaire sera soumis à une commission de quatre personnes, le prieur et le lecteur du

  1. Vaissete, Hist. du Languedoc, t. IV, pr., col. 118.