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BERNARD DELICIEUX
ET
L’INQUISITION ALBIGEOISE
1300 - 1320

Vers la fin du mois de juin de l’année 1300, Nicolas d’Abbeville, de l’ordre des frères prêcheurs, exerçant la charge d’inquisiteur de la foi dans le district de Carcassonne, se présente au couvent des frères mineurs de cette ville et demande que les portes s’ouvrent devant lui. Le pape Boniface l’a, dit-il, chargé de vive voix de faire une enquête sur un certain Castel Fabri, riche bourgeois de la ville, que la rumeur publique accuse d’avoir fréquenté vers la fin de sa vie des gens réputés hérétiques. Ce Castel est mort depuis longtemps déjà dans le couvent des frères mineurs, ses amis, et a été enseveli dans leur cloître ; mais les morts comme les vivans ont des comptes à rendre au tribunal de l’inquisition, et l’amitié de tout un couvent de franciscains ne peut être acceptée par un dominicain comme une garantie suffisante d’orthodoxie. Nicolas d’Abbeville vient donc rechercher les preuves de l’hérésie de Castel. Cependant c’est en vain qu’il s’efforce de faire valoir, même par la menace, les droits qu’il tient de sa charge ; le frère syndic et le frère gardien du couvent lui en refusent l’entrée, et à tout ce qu’il ne manque pas d’alléguer contre les sentimens religieux de Castel se charge de répondre le frère lecteur du même couvent, maître Bernard Délicieux, un des familiers de Castel, qui l’a connu pour le meilleur des hommes, le plus scrupuleux observateur de la règle