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par les besoins de l’éclairage, eût été employée au chauffage industriel, cela représenterait, d’après les essais calorimétriques rapportés plus haut, la quantité de chaleur contenue dans 4 millions de tonnes de houille, nombre qui donne à peu près le déficit d’une année en France et la vingt-cinquième partie de la production annuelle de la Grande-Bretagne. Quelle que soit la grandeur des résultats obtenus dans la recherche des gîtes de pétrole, il ne faut donc pas demander à ces gîtes d’entrer avant longtemps en compétition avec les mines de houille ; mais l’opportunité de recherches comme celles dont M. Deville a pris la direction n’est pas amoindrie pour cela. Laissons de côté l’intérêt de la science pure, qui est supérieur à tous les autres à cause des résultats lointains qui en découlent pour l’industrie générale. En dehors de cet intérêt, il en est de plus immédiats. A un moment donné, la possibilité d’avoir sous la main une source de chaleur et partant de force intense facilement maniable peut être un secours inespéré pour une nation obligée de se défendre chez elle. D’un autre côté, la nécessité de découvrir et d’exploiter convenablement de nouveaux gîtes de pétrole se fera d’autant plus sentir que les applications de ce produit nouveau seront plus nombreuses. Or les recherches de cet ordre ne peuvent se faire que par des sondages poussés à de très grandes profondeurs, et c’est dans ces profondeurs que s’élaborent incessamment les matières gazeuses et combustibles dont la condensation dans les roches superficielles produit le pétrole liquide. En Asie, le sol est parfois labouré de fissures qui donnent à ces gaz une issue naturelle ; parfois aussi les Asiatiques vont les chercher par des puits artésiens à des profondeurs que l’on dit dépasser 1,000 mètres. Les gaz dans les deux cas sont habilement conduits par des canaux souterrains, et servent à une foule de travaux industriels, notamment à la cuisson des poteries et de la porcelaine. Nous croyons que là est la solution des difficultés soulevées par l’épuisement plus ou moins prochain de nos houillères. Les élémens de la houille, hydrogène et carbone, paraissent en voie de formation incessante dans l’enveloppe terrestre. Avant que tout le charbon de nos mines soit brûlé, la science du géologue et l’art des sondages auront fait assez de progrès pour permettre d’aller chercher ces élémens eux-mêmes au point où ils se forment dans les entrailles du sol. Ce que font les Asiatiques, guidés depuis un temps immémorial par un certain instinct des localités qu’ils exploitent, doit pouvoir être généralisé un jour, et ce jour les hommes n’auront plus à craindre une disette de chaleur et de force ; ils seront affranchis de toute anxiété à cet égard, puisqu’ils puiseront au trésor sans fond d’où sont sorties pendant les époques géologiques les éphémères réserves de combustibles qui ont fondé la grande industrie.


FÉLIX FOUCOU.


L. BULOZ.