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minérales recueillis en Europe, en Amérique et dans l’Inde. L’origine de ces travaux remonte à la dernière exposition universelle. Chacun a pu voir alors dans le laboratoire de chimie du Champ de Mars un foyer chauffé avec des huiles lourdes provenant de la fabrication du gaz. Cet appareil, imaginé par M. Paul Audouin, ingénieur de l’usine à gaz de la Villette, était construit en vue de produire les hautes températures dont l’industrie a besoin, notamment pour le travail du fer. Pendant une visite à ce laboratoire, le chef de l’état chargea M. Deville de rechercher par voie d’expériences les meilleures dispositions à adopter pour brûler sans péril les huiles minérales à bord des bâtimens à vapeur.

Un générateur tabulaire, muni de tous les accessoires nécessaires pour des mesures calorimétriques rigoureuses, a été établi dans la cour de l’École normale. Cette chaudière peut être indifféremment chauffée avec du charbon ou avec de l’huile ; pour passer d’un système à l’autre, il suffit de remplacer la grille par une plaque réfractaire, et la porte du foyer à charbon par une plaque de fonte à fermeture hermétique percée d’orifices qui livrent passage en même temps à l’eau et à l’huile. Dans le premier cas, le combustible, étant solide, brûle sur une grille horizontale ; dans le second, comme il est liquide, il brûle en coulant le long de la porte du foyer, véritable grille verticale. L’huile est renfermée dans un réservoir éloigné du point où elle s’enflamme ; une petite pompe la refoule de ce réservoir dans un tuyau unique communiquant avec sept tubes très petits, armés de robinets qui permettent de régler le débit à volonté, et par lesquels elle s’écoule goutte à goutte à l’intérieur du foyer. Une seconde pompe comprime de l’air dans un autre réservoir, et un ingénieux régulateur électro-magnétique permet de maintenir cet air à la pression constante de deux atmosphères au moment où il pénètre dans le foyer avec l’huile. Il suffit d’enflammer la première goutte d’huile pour obtenir une ignition continue. En réalité, il y a là sept chalumeaux à gaz qui soufflent en même temps sept flammes intenses dans la boîte à feu et dans les tubes de la chaudière.

On voit tout de suite en quoi ce système ressemble à celui du Palos, et en quoi il en diffère. Dans l’un comme dans l’autre, le réservoir d’huile est tenu à distance et l’air est insufflé dans le foyer ; mais dans le générateur installé à l’École normale il n’y a point d’appareil de distillation préalable, l’huile brûle directement à l’état liquide. Afin de mesurer la quantité de chaleur produite par chaque combustible, M. Deville a dû s’entourer de toutes les précautions pour la recueillir aussi complètement que possible. La chaudière est donc emmaillotée comme un nouveau-né : les langes sont ici des tuyaux de plomb serrés en spires les uns contre les autres et dans lesquels circule incessamment l’eau d’alimentation. Les pertes dues au rayonnement sont ainsi évitées ; il suffit, pour s’en convaincre, de poser le doigt sur ces tuyaux de plomb, qui demeurent frais au toucher. De plus, M. Deville ne laisse échapper