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différens. Dans ces essais, l’on a également atteint des chiffres de vaporisation extrêmement élevés.

En Californie, vers la même époque, des expériences ont été faites avec une huile minérale extraite des schistes des environs de Santa-Cruz. L’appareil reposait sur le même principe que les précédens : on y convertissait d’abord le liquide en gaz ; il présentait cependant cette particularité, que la distillation s’opérait à l’avance dans un foyer spécial chauffé au bois, de manière à disposer constamment d’une réserve d’hydrogène carboné gazeux jugée nécessaire pour assurer l’ignition de l’huile. Voici les résultats évidemment fantastiques qu’on trouve consignés dans le San-Francisco Morning Call du mois d’octobre 1867 ; nous les citons uniquement afin de montrer l’excitation que ces tentatives produisent aux États-Unis. Pour obtenir la quantité de chaleur dégagée par une tonne de charbon de Cardiff, il aurait été consumé un peu moins de 115 litres d’huile de schiste (25 gallons), ce qui revient à dire que l’huile californienne serait un combustible dix fois plus puissant que la meilleure des houilles anglaises. Malgré ces exagérations, les faits suivans restent acquis à l’industrie : les huiles minérales sont un combustible dangereux ; elles exigent des précautions spéciales ; mais dans des appareils bien combinés et bien conduits elles peuvent être d’un emploi commode et brûlent sans produire de fumée. A égalité de poids et de volume, elles dégagent un calorique bien supérieur à celui que fournissent les houilles les plus recherchées.

Les Anglais et les Américains, ces derniers surtout, ont fait faire un grand pas à la question ; mais ils n’ont point donné la solution complète du problème. C’est que, à vrai dire, ils ne l’ont poursuivie qu’avec leur génie inventif et leur audace ; deux choses qui ne suffisent point en ces matières, où la science pure doit être le premier éclaireur. Les combinaisons de l’ingénieur, les hardiesses des constructeurs d’appareils, ne doivent arriver qu’après elle ; la physique et la chimie sont les deux flambeaux indispensables à toute investigation de ce genre. L’étude des propriétés physiques dira, par exemple, l’action des changemens de température sur les combustibles soumis aux essais, la propension qu’ils manifestent à se dilater, à émettre des vapeurs, à produire des mélanges détonans. L’étude chimique permettra de calculer les quantités de chaleur qu’on peut obtenir avec chaque huile, parce qu’elle donnera pour chacune la proportion des élémens, carbone et hydrogène, dont elle est composée ; elle conduira en outre à une classification de ces produits d’après les emplois industriels. C’est précisément cette double étude que M. Henri Sainte-Claire Deville a commencée et qu’il poursuit avec persévérance au laboratoire de chimie de l’École normale supérieure. Dans un premier mémoire lu récemment à l’Académie des Sciences, il a fait connaître les résultats de ses premières recherches, qui ont porté sur les propriétés physiques d’un nombre suffisant de spécimens d’huiles